L'histoire :
En 1939, Bernhard Hersch et sa femme Illo, tous deux professionnels dans l’industrie cinématographique, ont dû fuir Berlin, en raison de leurs origines juives. Mais peu de portes de sortie leur ont été rendues possibles. Ils ont donc mis le cap sur Shanghai, une ville qui ne nécessitait pas de visa. Or au moment d’embarquer, Illo n’a pas pu se résoudre à abandonner son vieux père unijambiste à la haine des nazis. Elle a subitement renoncé et est redescendue secrètement du paquebot, laissant Bernard voguer seul vers la Chine. Illo et son père ne survivent pas à la persécution. Isolé en Chine, Bernard l’apprend quelques mois plus tard. Il sombre dans une profonde mélancolie, se reprochant d’avoir abandonné sa femme. Dès lors, il se focalisera sur une idée fixe et quasi impossible : adapter l’ultime scénario de sa femme en film de cinéma. La jeune femme qui lui sert de gouvernante, Lin Lin, va lui être alors un atout de taille. Elle lui présente Mr Kaufman, un juif américain qui est en train de monter un studio de cinéma à Shanghai. Mais pour que ce dernier puisse être intéressé par le script d’Illo, encore faut-il que Bernhard le traduise préalablement en anglais. Et avec l’aide de Lin Lin, il adapte aussi la belle romance dramatique à la culture chinoise…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Suite et fin de diptyque, pour cette tragédie historique extrême-orientale sur fond de persécution des juifs. Philippe Thirault poursuit là où il en était resté, avec Bernhard comme seul protagoniste rescapé de la persécution nazi, esseulé et démuni à Shanghai. Ce second volet met dès lors en scène l’énergie du désespoir : mu par la tristesse, l’amour et la culpabilité, Bernhard va adapter le script de feu sa femme au cinéma, avec des moyens dérisoires et des bonnes volontés locales. Sur ce plan, le scénario se fait donc un peu plus convenu, l’originalité du périple d’un juif vers la Chine étant absorbée. Certes, on ne s’ennuie guère, car les coups du sort sont nombreux et notre héros se retrouve régulièrement dans des situations qui paraissent inextricables. La peinture sociale et la fresque historique de cette Chine totalitaire sous occupation nippone, avec l’ombre nazie qui n’est jamais loin, deviennent l’enjeu premier du diptyque. Et elle permet d’aborder la seconde guerre mondiale par un prisme peu couru. Le dessinateur Jorge Miguel met en images la fresque avec savoir-faire et minutie. Son dessin encré réaliste livre certes un peu moins de décors dépaysant. La part belle est plutôt faite aux personnages, dans un milieu urbain chiche et industriel fermé (entrepôts, bureaux, arrière-cours).