L'histoire :
Chris Ware est, pour certains observateurs du 9e art, l’auteur de bande dessinée le plus important de ces dernières années. Formé à l’école des comics-strips, il s’est fait connaître par ses dessins publiés dans l’Acme Novelty Library, aventure éditoriale insolite. Mais c’est surtout grâce à Jimmy Corrigan, œuvre magistrale primée à Angoulême en 2003, que Chris Ware a finalement obtenu la reconnaissance de ses pairs. Jacques Samson et Benoît Peeters lui consacrent cette monographie, en forme de premier hommage français. Le livre est ici découpé en quatre chapitres. Le premier est consacré à une présentation de quelques œuvres (Rusty Brown, Building stories, Quimby The Mouse) et à la biographie de l’auteur. Le deuxième chapitre restitue un entretien mené par Peeters, alors que le troisième regroupe des articles écrits par Ware lui-même, dans lesquels il expose ses réflexions théoriques et livre son sentiment sur le travail de création. Enfin, Jacques Samson présente quelques analyses de planches extraites de Jimmy Corrigan, pour en faire ressortir les grands principes formels. A travers Chris Ware, c’est en fait la BD, en tant que moyen d’expression poussé à son paroxysme et expérience de lecture, qui y est célébrée.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Goût pour la ligne claire, épure formelle et expressivité, façonnent l’œuvre déjà féconde de Chris Ware, auteur du monumental Jimmy Corrigan. Dans cet étrange objet graphique et narratif, Ware dynamitait tous les codes esthétiques traditionnels de l’art séquentiel (format, découpage, sens de lecture…) pour accoucher d’un livre en tout point parfait, signant là un de ces chefs-d’œuvre qui marquent l’histoire de l’art. Dans ce recueil, Jacques Samson et Benoît Peeters tentent notamment d’en livrer des clés de lecture, à travers quelques analyses de planches souvent bien senties, précises et intéressantes. Certaines, toutefois, peuvent se révéler jargonnantes, et on sent parfois la difficulté des auteurs à saisir avec clarté l’essence même d’une œuvre riche, complexe et finalement exigeante. Ils y décryptent par ailleurs les principes formels de son œuvre et analysent la modernité du trait, pour en faire ressortir toute la poésie, la mélancolie, mais aussi le côté maniaque et perfectionniste. Car Ware livre des œuvres iconoclastes, reconnaissables à 1000 lieues, empreintes de sensibilité et de cruauté. C’est d’ailleurs la grande force de Ware de mêler une parfaite lisibilité du graphisme à une narration de l’intime, toujours très fine, créant des œuvres au langage poétique propre. Finalement, le long entretien de Peeters avec Ware est le passage le plus intéressant. On y découvre un Ware cultivé, rigoureux, casanier, mais aussi un simple auteur de bande dessinée, inconscient de la beauté de son œuvre, humble avant tout et presque honteux de susciter tant d’éloges. Un génie tout à fait humain, en somme. Cette monographie rigoureuse s’adressera en priorité à tout fan de Ware, ainsi qu’au bédien curieux, intéressé par les ressorts créatifs de l’art séquentiel. Cette approche critique permettra aussi de mieux faire comprendre les enjeux esthétiques qui sous-tendent l’univers « warien ». Un livre presque incontournable pour ceux qui veulent comprendre la magie des livres de Chris Ware, un auteur majeur.