L'histoire :
Saviez vous que Gotlib avait collaboré avec sa femme, Claudie ? Êtes vous au courant, cher lecteur, que Gotlib aimait particulièrement le cinéma ? Il a même sympathisé avec Patrice Leconte, lui-même fan du maître de l'humour de la bande dessinée. Et puis, il suffit de voir ses nombreuses allusions et parodies au 7ème art. Connaissez-vous l'un des derniers dessins du maître où la coccinelle, personnage emblématique de La rubrique à Brac, arbore tristement une pancarte qui affiche le fameux : Je suis Charlie... D'ailleurs, pourquoi Gotlib a t-il tenu à rajouter des petits personnages secondaires à ses histoires, comme cette célèbre coccinelle ou la souris dans Gai Luron ? Vous n'ignorez sûrement pas que Gotlib était très influencé par Tex Avery, mais connaissez-vous d'autres auteurs et œuvres qui l'ont marqué, comme Mad par exemple. Pouvez-vous imaginer les brouillons des gags fous de Gotlib, brouillons qui sont pourtant bien plus ordonnés et travaillés qu'il n'y paraît ? Vous rappelez-vous d'un épisode de Superdupont dessiné par le fameux Neal Adams ? Pouvait-on s'imaginer que le peu de couleurs qui ont été ajoutées dans quelques histoires ont été faites par Evelyne Tran-lê, qui n'est autre que la sœur de Mézières ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cela fait maintenant deux ans que Marcel Gotlib nous a quittés. Et malgré l'immense carrière du maître de l'humour, peu d'ouvrages théoriques sont sortis sur lui, hormis les Entretiens avec Gotlib de Numa Sadoul qui abordent l'auteur de façon psychanalytique. Pour combler ce manque, il fallait bien une grande figure de la bande dessinée comme Thierry Groensteen. Cet ouvrage dense prend le parti d'aborder tous les angles de la question sous forme d'abécédaire, où de longs articles se déclinent par ordre alphabétique. On y trouvera donc logiquement les séries marquantes qui ont fait rire de nombreuses générations d'auteurs et de lecteurs, comme Les Dingodossiers, Gai Luron, La Rubrique à brac, Superdupont, Hamster Jovial, Rha-Gnagna, Pervers Pépère et bien d'autres. Mais aussi les célèbres auteurs qui l'ont côtoyé comme Goscinny bien entendu, Mandryka, Brétécher... L'abécédaire permet également de balayer les nombreux changements opérés par Gotlib, de son passage à Pilote en ricochant sur L'écho des Savanes ou la création de Fluide Glacial. C'est aussi le prétexte à de nombreuses anecdotes insolites ou peu connues du grand-public, comme la première planche qu'il a amenée à Goscinny ou sa réticence à faire du mauvais humour sur Hitler, ses créations musicales et ses liens avec des chanteurs et musiciens très connus. Gotlib n'aura plus de secrets pour vous, puisque Thierry Groensteen aborde tout et notamment les périodes difficiles de sa vie, ses douleurs enfouies, mais aussi ses goûts sur le music-hall, son amour indéfectible pour Brassens... Le tout est superbement écrit avec des mots complexes parfois, langage qui sied bien à ce genre de recherche quasi universitaire (« le syncrétisme, superfétatoire, idiosyncrasie, tropisme, hypotexte »...) et le livre constitue une mine d'or d'informations et un impressionnant inventaire de l'œuvre bien riche de Gotlib. Groensteen, en fin connaisseur de la question, en profite également pour explorer tous les procédés de la bande dessinée et l'évolution du neuvième art. On a même une définition de l'humour, ce qui peut s'avérer pour le moins délicat. Le seul bémol est une absence criante de dessins et de visuels, certainement à cause de questions de droits d'auteurs. Quand on sait l'immense pouvoir graphique évocateur de Gotlib, c'est tout de même bien dommage. D'autant que certains passages sont ultra descriptifs et deviennent presque de la paraphrase visuelle, même s'ils sont très bien écrits. Qu'à cela ne tienne, les aminches, amateurs du génialissîme Gotlib, quand vous vous replongerez dans son univers comique à travers cet essai, vous refermerez le livre en criant, le regard hagard : « Rhââ Lovely » !