L'histoire :
Printemps 1886. Ayant franchi la frontière du Montana, une petite troupe menée par un ancien artiste de cirque : Angel Steranko, ivre de vengeance suite au massacre de sa famille par un groupe d’indiens, pénètre au Canada massacrant sur son passage chaque peau-rouge qu'elle rencontre. Alerté par une des victimes des tueurs, le sergent Keller va tout faire pour contrer cette folie sanguinaire, aidé par sa compagne Choléna ; tous deux prenant la piste vers le camp du chef Dancing Bear sur lequel pèse désormais la menace.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Mis en relation en 2012 grâce à Angelo Nencetti, directeur du festival de Lucques et Michel Jans, devenu l'éditeur de Tisselli depuis, avec la traduction de l'épisode de Tex : prisonnière des apaches (Sfida alla vecchia missione) en 2016, Sergio Tisselli et François Corteggiani créèrent ensemble le western Le chemin du couchant autour du personnage du sergent Keller, de la police montée. On imagine que le scénariste est allé puiser son inspiration dans l’esprit du film La Brigade héroïque, de Raoul Walsh (1954) – où la frontière canadienne est franchie par des indiens Sioux en fuite, venant semer le trouble auprès des Crees locaux et la police montée. François Corteggiani insère la thématique du meneur fou, ivre de vengeance, qui va s'engager et engager à sa suite une bande de mercenaires dans des raids sanguinaires, à l'instar des épisodes qu'il créa à la suite directe de Jean Michel Charlier, en 1990 pour la série La jeunesse de Blueberry. Le scénario tient donc le coup et nous plonge dans une aventure intéressante, qui aurait pu être un très bel album s’il avait été pleinement magnifié par le trait et les aquarelles de Tisselli. Malheureusement, ce dernier, décédé le 14 avril 2020 n'avait terminé que quatre planches en couleurs, et Storyboardé une partie seulement. C'est sur ces éléments que son ami Vianello s'est appuyé pour reprendre et finaliser l'intégralité de l'album. Si la comparaison n'est pas tenable, bien évidemment, le style précis et fulgurant de Tisselli s'opposant totalement avec celui, bien plus aérien de Lele Vianello, ancien élève d'Hugo Pratt, ce dernier nous amène néanmoins avec plaisir vers la conclusion du récit. Passé la surprise des neuf premières planches, reprenant justement les travaux de son ami, où l'on ressent un modèle sans doute trop présent pour pouvoir s'exprimer vraiment librement, on retrouve ensuite le plein charme du dessinateur vénitien, réaffirmant son identité et assurant entre autre une superbe scène de voltige cruelle (la scène « de l’ange »). Sergio Tisselli était fait pour le western. Ses pages et storybboards – visibles avec une poignée de témoignages de proches dans la brochure spéciale de 28 pages éditée par les éditions Mosquito et offerte pour l'achat de deux albums, cette rentrée – le démontrent avec force et émotion. Vous ne manquerez pas cette opération, qui coule de source pour la lecture de cet album au parfum très particulier, rendant non seulement hommage à un grand dessinateur, disparu trop tôt, mais aussi indirectement à son ami scénariste François Corteggiani, l'ayant rejoint le 21 septembre 2022 au paradis des auteurs de bande dessinée. Un western très agréable, aux atouts voilés d’amitiés partagées.