L'histoire :
Jean-Corentin Carré est patriote dans ses gènes : il a menti sur son âge pour pouvoir aller se battre afin de repousser l’invasion prusse hors de France. En effet, en juin 1916 il n’a que 16 ans – il s’est engagé à 14 ans ! – mais déjà une expérience solide du terrain, une certaine accoutumance du péril permanent dans les tranchées et des images de bouillies humaines plein la tête. Dans la boue de Verdun, mieux vaut ne pas trop s’attacher aux poilus camarades, car ils peuvent passer de vie à trépas à chaque instant. Les cadavres pullulent, on marche, on rampe sur des morceaux de corps. Aux bombardements réguliers, succèdent d’impromptues rafales de mitraillette venant de notre propre tranchée, car on ignore parfois à quel « camp » elle appartient. Difficile de ne pas devenir fou dans cet enfer. Certain perdent la boule et adoptent un comportement contre-productif et suicidaire. D’autre se raccrochent à des problèmes dérisoires : une montre ou une pipe cassée. Jean Corentin fait face avec un courage et un sens du devoir exemplaires. Malgré son amertume quant au sens de ce conflit déshumanisé, il est souvent volontaire pour être en première ligne, et il n’hésite pas à tuer l’ennemi. Il a d’ores et déjà été promu caporal et s’apprête à monter encore en grade pour devenir sergent. Dans son village du Faouël, les autorités sont fières de lui. Sa mère et sa sœur sont mortes d’inquiétude. Même si elle parvient souvent avec beaucoup de retard, la moindre lettre de ce fils en première ligne sur le front est une formidable bouffée d’air…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La première guerre mondiale, son hécatombe humaine, l’enfer de ses tranchées… Les ouvrages mémoriels de tous types ne manquent pas, qui reviennent sur ce point culminant de notre Histoire en matière d’horreur pure. Et pourtant, à chaque fois, on se laisse prendre par un sentiment mitigé de respect envers ces combattants du dérisoire et une forme de révolte contre la mentalité ultra martiale débile de l’époque. A travers le second volet de la biographie de cet enfant soldat issu des mêmes terres bretonnes que lui, Pascal Bresson continue d’insister sur l’horreur, en s’inspirant sans doute de nombre lettres de poilus. Le scénariste immerge son lecteur à Verdun, dans la boue, la merde et les viscères, aux côtés de cet adolescent idéalisé en patriote ultime et courageux. Il y a assurément une grosse part de romance héroïque dans le portrait de cette figure idyllique du jeune poilu, mais qu’importe. Il s’agit plus d’une allégorie que d’une biographie pure. Jean-Corentin Carré surmonte tout, il aide et réconforte ses camarades, il reçoit la croix de guerre, il accepte avec honneur et sans rechigner une mission suicide, il frôle mille fois la mort… et entre deux, en permission, il rend compte de son amertume auprès des siens. La partition graphique a dû être éprouvante pour Lionel Chouin, qui met en scène et en dessin ce morceau de Mémoire à l’aide d’un style encré appliqué quoique légèrement irrégulier. Un troisième tome est à venir…