L'histoire :
En août 1914, au Faouët, petite commune du Morbihan, le père de Jean-Corentin a déjà enfilé son uniforme militaire, pour répondre à l’ordre de mobilisation générale. Enfin la revanche de 70 a sonné, on va leur faire bouffer leurs casques à pointe, à ces boches ! Endoctriné par ce patriotisme sans faille, Jean-Corentin rêve lui aussi de partir au front… mais il est un peu jeune : il n’a que 14 ans. Sa mère espère de tout cœur qu’il restera bien au village. Pourtant, une grosse année plus tard, le gamin est bel et bien dans la boue des tranchées. Les poilus adultes qui l’accompagnent ont un comportement plutôt protecteur pour ce jeune gars drôlement courageux. A leur grand dam, lui est miraculeusement épargné par les éclats d’obus et les rafales de « moulins à café » (mitrailleuses). Trempé, maculé des tripes de ses compagnons, il est aux premières loges de l’horreur et néanmoins sa volonté reste intacte. Esseulé dans un trou d’obus, il est récupéré par Gilbert. Le poilu lui offre un coup à boire et quelques sibiches (cigarettes). Mais aussitôt, ils doivent livrer un terrible corps à corps à la baïonnette avec trois allemands qui leur tombent sur le paletot. Ils en sortent vainqueurs, mais Gilbert est blessé. Jean-Corentin va le porter sur son épaule à travers toute la ligne de front…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le récit de ce « plus jeune soldat de la Première Guerre Mondiale » est visiblement authentique et se trouve ici adapté par le scénariste Pascal Bresson, en trois tomes annoncés. Jean-Corentin Carré était breton et archi-volontaire pour aller au front, mu par un patriotisme sans faille inculqué par son père et l’école. Avec le recul sur l’Histoire, notre civilisation a fortement tendance à considérer ce genre de patriotisme comme une folie. Mais dans le contexte de l’époque, c’était héroïque, surtout enraciné chez un gamin d’à peine 15 ans. Ce premier tome alterne les flashbacks sur ce qui a mené le jeune homme à s’engager (son éducation) et au présent, les combats sur le front et leur traditionnel cortège d’horreurs : la boue, le sang, la pluie, les barbelés, les compagnons écharpés, l’incessant déluge d’obus, de rafales qui fauchent mutilent et décapitent. La narration montre surtout que sur la ligne de front, on est seul face à l’effroi : impossible de s’attacher à un voisin d’armes qui peut s’effacer en une fraction de seconde. C’est (hélas) classique, mais cela participe à un devoir de Mémoire nécessaire, surtout lorsque c’est réalisé de manière aussi réaliste et solennelle. Bresson ancre encore plus son récit dans l’authenticité historique en utilisant des termes d’argot de l’époque (les sibiches, les gaspards, les moineaux), sans en abuser. Au dessin, Stéphane Duval et Lionel Chouin se livrent quant à eux à une sorte de passages de relais, tous deux avec leurs styles encrés et détaillé certes distincts, mais en unité narrative acceptable. Une bonne série « de plus » qui s’inscrit dans l’élan commémoratif de cette année 2014.