L'histoire :
En 1936, Ange Clovis Léman est un jeune patron de pêche sardinier de 26 ans, basé sur l’île d’Yeu (au large de la Vendée). Il a hérité du bateau de son père, mort au tout début de la guerre 14, et il s’est marié à la plus belle fille du port, Agathe, qui lui a donné un beau garçon. Mais plus que sa jolie petite famille, la capacité de son bateau, baptisé L’ange d’Yeu, fait réellement son bonheur. Grace à lui, il est toujours le premier à rentrer au port avec les caisses pleines de sardines et donc le premier à tout vendre au gars des conserveries. Le seul grain de sable dans son quotidien, c’est cet abruti de Gaston qui n’a de cesse de faire du gringue à Agathe. Or la nuit, Ange fait de curieux rêves. A chaque fois, il est incarné en patron de pêche de l’île d’Yeu, mais à une époque différente. Comme la fois où, par exemple, où deux trirèmes romaines accostent pour enlever une vingtaine d’esclaves femmes. Dans ce rêve, Ange se dépêche de sauver son bateau et il laisse Agathe se faire trucider. De retour à la réalité, Ange ignore qu’il est la cible d’un perfide complot ourdi par Gaston. Ce jaloux ambitieux soudoie deux marins espagnols pour qu’ils règlent son compte à Ange, en leur faisant croire qu’il est un salaud de franquiste. Heureusement, même après avoir abusé du cidre, Ange sait sacrément bien se battre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce destin de pêcheur de sardines vendéen fait curieusement penser à la saga des Chasseurs d’écume (8 tomes chez Glénat). On y retrouve la même rivalité entre pêcheurs, les mêmes contingences commerciales et économiques impérieuses ; et jusqu’au même épisode de la seconde guerre mondiale, lorsque les marins sont enrôlés à bord d’un cuirassé qui finit bombardé par les anglais (Mers el Kébir, juillet 1940). Il n’y a pourtant aucun plagiat. Les sardiniers des Chasseurs d’écume racontent l’histoire du port breton de Douarnenez, tandis que Ange Clovis Léman est ici établi sur l’île d’Yeu, qui est le propos premier du diptyque promis par Pascal Davoz et Nicolas Bègue. Pour ce faire, les auteurs ont deux bonnes idées : primo, le ton emprunte légèrement à l’humour pince-sans-rire, avec des répliques pas piquées des vers et une manière culottée de s’amuser du pire. Deuxio, tout en maintenant une intrigue en fil rouge dans les années 30 et 40, ils utilisent le procédé du rêve pour proposer divers focus sur l’île d’Yeu à différentes époques (les romains, les vikings, les croisades, la guerre de 100 ans). Le didactisme historique fonctionne ainsi sans que ça ne soit jamais trop pontifiant. Le running-gag cynique consiste à chaque fois à pousser le héros (qui se retrouve là à chaque époque) à sauver son précieux bateau au détriment de sa famille, sans remord ni regret ! Il faut aussi souligner le joli dessin réaliste de Nicolas Bègue, régulier, détaillé et semble-t-il à l’aise avec les costumes et les navires de toutes époques. Une bonne surprise, qui allie humour, Histoire et quelques giclées d’embruns dans les naseaux.