L'histoire :
A l’automne 1944, en Prusse orientale, les allemands semblent marquer le pas : la déferlante soviétique enfonce les lignes ennemies, tel un inexorable rouleau compresseur. L’un des fers de lance de l’offensive est sans conteste l’aviation dont la camarade pilote Lilya Litvasky, « une sorcière rouge » au tableau de chasse impressionnant, est une icone incontestée. Coté allemand, la Luftwaffe est aux abois : elle manque cruellement de pilotes chevronnés et se voit contrainte de confier des bijoux de technologie à des bleus inexpérimentés rapidement abattus. C’est pourquoi l’un des tous derniers talentueux vétérans, l’Oberleutnant Wulf, pilote d’un « Grand Duc », ne se fait plus guère d’illusion sur l’issu des combats. Il doit cependant tempérer son défaitisme depuis l’arrivée d’un nouveau Kommodore dans son escadron. Ce dernier goute en effet très moyennement son inimitié pour le führer et les autres nazis. Son insolence l’oblige à enchainer les missions sans répits, s’il ne veut pas se retrouver collé au poteau pour trahison. La prochaine le conduit au dessus de la poche de Graudenz, encerclée par les soviétiques. Le combat s’engage rapidement et tourne à l’avantage de Wulf, qui surprend avec intelligence un chasseur ennemi. Notre pilote n’a cependant guère le temps de crier victoire : la belle Lilya le prend à son tour en chasse. La sorcière rouge, à court de munition, parvient grâce à une manœuvre suicidaire à abattre le Grand Duc : l’officier est alors contraint de s’éjecter en territoire ennemi…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce serait faire offense au travail de Yann que de réduire cette saga aéronautique à sa simple expression graphique. Ce serait néanmoins bien hypocrite que de ne pas reconnaitre l’impact du trait virtuose de Romain Hugault sur celle-ci… Ainsi, le scénario, s’il sert admirablement le dessin génial d’un passionné d’aviation, offre un récit à multiples atouts : un contexte historique riche, un subtil chassé-croisé narratif, qui font suivre l’intrigue alternativement du coté russe ou allemand. Mais aussi des personnages rendus touchants par leur obligation de faire des choix, et une science mesurée du drame, laissant toujours espérer le salvateur happy end. Yann ne se contente pas de fournir à son dessinateur matière à mettre en scène des combats aériens (que les fans se rassurent : il y en a aussi !), la trame de fond est riche, crédible et prenante : on se délecte de voir le héros allemand se démener avec ses idéaux et son anti-nazisme profond ; on se régale du caractère trempée de Lilya ou du jeu cruel des destins croisés de chacun. Bref, un boulot impeccable, offrant l’avantage d’attirer un lectorat pas forcément aveuglément amoureux des avions. En revanche, c’est bien cette « cécité » particulière, contractée dés le plus jeune âge, qui permet à nouveau Romain Hugault de livrer une copie magistrale. On pourrait aligner les superlatifs pour décrire les émotions qu’il offre sans retenue et qui de la colorisation léchée, à la facilité avec laquelle il traite les scènes aériennes, en passant par de somptueux nus, nous laissent bluffés. Un travail d'orfèvre associé à un scénario maitrisé, installent cette série parmi les meilleures lectures du moment.