L'histoire :
Un petit garçon qui naît en Juillet 1917, mais dont la mère meurt en le menant au monde, grandira sans connaître son père. Vingt ans plus tard, c'est sa maman d'adoption qui va le regarder embarquer sur un bateau à destination de la Guyane, comme des dizaines de condamnés autour de lui. Marinette sait qu'il est innocent, mais le curé du village a été trouvé mort d'un coup d'outil de chirurgien qui appartenait à Joseph. Alors le jeune homme va voyager vers l'enfer, qui débute sur le pont lorsqu'un autre prisonnier dénommé Mulot, originaire de Malakoff, veut lui faire comprendre qui est le patron à bord. En France, la fiancée du prisonnier ne se décourage pas, elle cherche à comprendre ce qui est réellement arrivé. Lorsque finalement Joseph reçoit une première lettre de Manon, il comprend qu'il n'est pas totalement seul au monde. Mais comment garder espoir lorsque son destin semble tracé pour toujours, à l'autre bout du monde, sans l'espoir d'un recours. Quelques années plus tôt, Manon et lui étaient allés voir le père Vivien pour lui annoncer qu'il voulaient vivre ensemble, et renoncer aux études de médecine de Joseph. Une violente dispute avait suivi...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès que Joseph prend la mer sur le bateau qui l'emporte vers le bagne, ce récit prend une force et une tournure surprenantes, à la fois sur le plan narratif et graphique. D'emblée, les deux époques de la vie du prisonnier se complètent parfaitement, laissant attendre un dénouement où tout va s'expliquer. Dès le premier regard, la personnalité de Joseph est évidente. Le style graphique de Piero Ruggieri et Filippo Neri impressionne par sa précision et sa finesse, dans un réalisme très original et jamais photographique. La tension est d'emblée très forte, et ne retombera pas avant l'image finale. Le scénariste avoue avoir attendu près de quinze ans avant de proposer la deuxième partie de son récit, dont le premier épisode a été entièrement redessiné par les deux compères italiens. La première époque n'a rien perdu de sa force, et l'ensemble tient remarquablement la route, porté par une exigence étonnante pour des auteurs dont la notoriété n'est pas suffisante pour garantir un succès d'estime. Il y a de la force, de l'émotion, des rapports humains tendus dans ce récit puissant comme une épopée romanesque. On ne sent pas du tout le temps qui a passé entre l'idée première et sa conclusion. On a d'ailleurs très envie qu'Olivier Petit se consacre davantage à des récits originaux plutôt qu'aux livres à thème qu'il a proposés jusque là. Quant au duo Ruggieri-Neri, il impose avec une grande classe un dessin réaliste à la fois original et lisible. Sans clichés mais avec une élégance et une acuité étonnantes, il porte cette aventure en lui donnant une patte unique qui capte l'attention dès les toutes premières pages.