L'histoire :
Par une journée ensoleillée d’août 1914, les quais de la gare de Perpignan se noircissent de soldats, qui répondent à leur ordre de mobilisation générale. La guerre avec la Prusse a été déclarée. Elle était attendue, désirée, même si on ne sait pas trop bien pourquoi on la fait. Ce sera une guerre courte, les français sont persuadés de mettre une bonne branlée aux allboches, et de revenir rapidement couverts de fleurs et de gloire. Leurs épouses, pour la plupart bientôt veuves, leur font leurs adieux. Parmi eux, le lieutenant Henri de Maury appartient au 24ème régiment d’infanterie coloniale. Le train part… On le retrouve le 6 septembre du côté de la Marne, après la meurtrière bataille de Rossignol (Sud-Est de la Belgique, la journée la plus meurtrière de tous les temps pour l’armée française : 27000 morts). Maury et ses hommes avancent à travers la campagne du côté de Vitry-le-François. Ils n’ont toujours pas vu l’ennemi, mais le front des combats se précise, à en croire les nombreux cadavres qui jonchent un champ de blé récemment moissonné. Les hommes marchent depuis des jours et des jours, sans trop savoir vers quoi. Les pauses ravitaillement sont très attendues. Les hommes sont fin prêts à accepter le combat, pourvu qu’ils cessent de marcher. Les officiers sont nerveux. Au loin, on entend le bruit du canon. Henri de Maury prend la tête de ses hommes et reprend sa marche en avant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A quoi devaient bien ressembler les premiers jours de la première guerre mondiale, du point de vue des soldats qui s’y engouffrent avec l’idée ferme de terrasser rapidement l’ennemi – mais une boule au ventre tout de même, de ne pas savoir vers quoi, exactement, ils avancent ? Voilà à quoi vous allez être confrontés à travers cet épais « récit de guerre » réalisé par Victor Lepointe, à partir de la métaphore de « l’orage » et du prisme anecdotique et légendaire du « rocher de la sorcière », ou « Cap des trois frères », du côté de Perpignan. Car c’est de cette région que le personnage central de l’album, le lieutenant Henri de Maury, est originaire. Pour autant, lui et ses soldats se battent et meurent du côté de Vitry-le-François, lors de la bataille de la Marne (septembre 1914), région d’où l’auteur est originaire. Ce fut la première bataille, étalée sur un front de plus de 200km, et ce fut une première hécatombe. Lepointe s’est largement documenté – costumes, matériels, lettres de soldats, récits de guerre – cet épais ouvrage révèle un sérieux exercice mémoriel. Les premières pages et 95% du récit se bornent cependant à montrer de belles scènes réalistes dessinées selon un lavis diablement maîtrisé, accompagnées d’un texte littéraire et lyrique, dans des encadrés narratifs. Cette méthode restreint l’exercice séquentiel, le rabaissant au rang du livre d’Histoire illustré et commenté. Le développement des évènements se fait de manière extrêmement lente, même au cœur des combats, l’auteur laissant une grande place à la contemplation de l’horreur, comme pour donner le souffle idoine à la tragédie incommensurable que représente ce premier conflit. Après la Guerre des loups, et selon la même méthode, Victor Lepointe poursuit donc son œuvre de reconstitution sur la première guerre, par le prisme de l’immersion au sein d’une unité de combattants.
