L'histoire :
Dans un café de Tripoli, Francesca Mannocchi rencontre Hussein en buvant un thé et en fumant le narguilé. Hussein est un survivant d’une prison dont les occupants ont été massacrés par le régime de Khadafi en 1996. Hussein parle peu, mais ses silences sont la marque de la dictature qui, même quand elle est tombée, continue de marquer ses victimes au fer rouge. Ils continueront de vivre avec la peur au ventre, quel que soit leur nouveau degré de liberté. Hussein est témoin à double titre, pendant des années il a rencontré les femmes et les enfants des prisonniers qui avaient été rassemblés dans la cour de la prison et fusillés méthodiquement. Mais leur famille n’était pas au courant et les femmes continuaient de traverser le pays pour amener des photos, des vivres ou des produits sanitaires à des époux dont elles ignoraient la mort… Les soldats faisaient attendre les gens et récupéraient les cadeaux. Après cette rencontre, Mannocchi évoque la Libye d’aujourd’hui, le problème des migrants, des passeurs, de l’industrie de la peur et de la mort…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Libye a vécu pendant des années une terrible dictature, celle du colonel Khadafi. Une chape de plomb était posée sur son peuple qui souffrait de la violence et de la corruption. Après la mort de Khadafi, les européens ont cru libérer un peuple, ce qui est vrai, mais aussi se libérer de la pression constante que faisait peser Khadafi sur l’immigration illégale. C’est l’inverse qui s’est passé, puisque le brouillard dans lequel se trouve la Libye, un état de guerre civile permanente, n’empêche pas l’organisation très huilée des passeurs de fonctionner. Ce sont les quartes de la drogue qui font fonctionner le système mis en place par Khadafi. Les maillons d’une immense chaîne qui s’apparente à une véritable traite d’esclaves sont isolés et roués à la misère. Décidément les Italiens sont bien plus militants que les Français et les journalistes d’investigation produisent de sacrés reportages. Celui de Francesca Mannocchi est dur et sérieux. Il permet de remettre en question le regard manichéen que nous portons sur l’immigration grâce à l’étude du fonctionnement de celle-ci. La traduction de Sylvestre Zas est fluide et précise. Le dessin de Gianluca Costantini, militant des droits de l’homme, est sec et dur. Son noir est blanc n’évite rien des souffrances et du sang. Le tout donne un album coup de poing, aussi bien graphiquement que dans le propos.