L'histoire :
Le finlandais Ville Ranta est auteur de bande dessinée. Or il sait que ça n’est pas dans son pays, où le marché est minuscule, qu’il fera fortune. Pour réussir, il lui faut s’expatrier en France, là où la bande dessinée s’épanouit le mieux en Europe. Pour la troisième fois de sa carrière, il prend donc l’avion un beau matin de janvier, pour partir en France, à la veille du festival d’Angoulême, sans avoir pris énormément de temps pour prévenir sa famille. Sa femme en colère, car elle sait qu’il va encore y rester pendant longtemps et que ce sera pour des cacahuètes… Arrivé à Paris, il a loué un studio miteux et minuscule, comme pour faire pénitence (mais aussi parce que c’est moins cher). Son objectif numéro 1 : retrouver Lancelot, l’éditeur qui a cru en lui il y a 15 ans, lorsqu’il s’est lancé pour la première fois dans la BD en France. Lancelot connait tout le monde, Lancelot est un facilitateur, un précurseur, un dénicheur de talents… Mais Lancelot est aussi un homme débordé, tout le temps pendu au téléphone et en train de courir. Ville se souvient de son premier Angoulême en 2004 ou 2005. Et de sa première rencontre avec Lancelot, qui lui avait fait tant miroiter. Hélas, à l’époque, Ville parlait très mal le français. La plupart de ses rendez-vous se passaient sans qu’il comprenne grand-chose… à part qu’il n’avait pas signé de contrat.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre de ce roman graphique autobiographique est évidemment à prendre au second degré, sous le prisme de l’autocritique et de l’autodérision. Car de « succès », Ville Ranta n’en a jamais vraiment connu, sinon… vous le connaitriez ! Désormais quadragénaire, l’auteur finlandais est cependant reconnu sans son pays – il a reçu le Prix Finlande en 2014, remis à des personnalités artistiques ; ainsi que les insignes de chevalier dans l’Ordre national du Mérite par l’ambassadeur de France à Helsinki. Ville Ranta travaille aujourd’hui pour plusieurs journaux finlandais, même s’il a, à plusieurs reprises, tenté de percer sur le marché français de la bande dessinée. C’est l’histoire de ses illusions perdues qu’il retranscrit ici, avec pas mal de sincérité et une forme d’ironie assez sévère sur lui-même et sur le milieu de la bande dessinée en France. La peinture au vitriol du monde de l’édition sera évocatrice pour quiconque s’est déjà rendu dans les hauts-lieux du Festival d’Angoulême. A travers ses portraits zoomorphiques d’auteurs et d’éditeurs, on reconnait évidemment certaines personnalités bien connues du 9ème art – Lewis Trondheim en tête, renommé Richart, avec qui Ville Ranta a réellement fait un album en 2006, Celebritiz. Celui-ci nous causait déjà de la quête de célébrité et des écueils du star-system… Faut-il y voir une obsession ? Espoirs, approches de séduction, promesses incertaines, embobinages assurés, alcool, précarité… Tout cela s’articule et s’alimente très bien dans l’aventure que nous conte ici l’artiste finlandais. Formellement à l’aide d’un trait stylisé rapide et rehaussé d’un lavis souvent monochrome, il se joue de la chronologie en entremêlant les époques sans que cela ne perde le lecteur. Pour un réel mode d’emploi du succès, on attendra plutôt que Zep se mette à l’œuvre.
