L'histoire :
Des paysans espagnols tentent de fuir l’île de la Palma, aux Canaries. Il fait nuit et ils ont tout prévu : une petite embarcation les attend. Les femmes sont inquiètes, car la barque semble fragile, mais leurs conjoints sont confiants. Le capitaine leur a dit qu’il n’y avait pas beaucoup de vent et que la traversée sera sans danger. Cela leur a tout de même coûté la somme de 6000 pesetas pour fuir la dictature de Franco. Alors qu’ils s’apprêtent à monter à bord, des guardias se montrent au-dessus des falaises. Ils préparent leurs armes et après une sommation, ils font feu à plusieurs reprises. La foule se disperse et les fuyards ont à peine le temps d’embrasser leurs épouses. Une nouvelle vie va commencer pour eux. Mais ce n’est peut-être pas celle qu’ils avaient espérée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Garafia, paru initialement en 2020, a raflé plusieurs prix dont celui du prix de la révélation au salon del Comic de Valence ou encore le prix de l’illustration au Salon del Comic de Tenerife. Vous allez découvrir ici l’histoire d’une famille, celle des grands-parents de l’auteur, oppressés par le régime dictatorial de Franco. Elias Taño trouve le ton juste en voulant décrire le plus simplement et justement possible le quotidien difficile des Canaréns. On sent presque la rugosité de la terre et la souffrance physique des travailleurs qui usent leur vie à gagner un salaire dérisoire. La misère ne s’intéresse pas au sexe et l’alternance de points de vue côté femmes et côté hommes montre à quel point ce peuple a horriblement souffert. Que ce soit avec l’exil au Venezuela, avec la solitude et l’inquiétude de ne jamais revoir son mari, avec la police durement répressive ou avec le travail qui rend esclave, le destin de cette famille est bien sombre. Pourtant, on termine par une belle lueur d’espoir et par ce besoin d’exprimer la fierté d’être issu d’une famille qui s’est battue et qui a survécu, malgré la bêtise humaine, malgré la violence et l’oppression et malgré la famine et la misère. Tenir et vivre debout malgré toutes les difficultés que cela impliquait, c’est sûrement le plus bel acte de révolte. Ce qui marque les esprits dans ce livre, c’est le dessin si particulier de Taño. C’est comme si Pablo Picasso était venu faire une intrusion dans les cases et les visages des personnages, avec un style cubique et charnel qui rappelle également Frida Kahlo. Malgré un style un peu spécial et des personnages courts sur pattes, l’ensemble est particulièrement expressif grâce à un quasi noir et blanc envoûtant. Une belle œuvre qui rend hommage à tous les oubliés victimes des dictatures et des tyrans.