L'histoire :
En mars 1948, à Beyrouth, la famille Pelletier est réunie autour de Jean, le père qui est aussi le directeur de la savonnerie qui a consacré sa réussite professionnelle et sociale. Le tour de table résume la situation des quatre enfants. Jean a renoncé à prendre la suite de son père ; François et Hélène s'installent à Paris ; tandis qu'Etienne va partir en Indochine. Dans ce pays encore sous domination française, Etienne va rejoindre l'Agence des Monnaies pour y occuper un poste, avec l'intention de retrouver son cousin Raymond, légionnaire dont on est sans nouvelles. Il ne va pas tarder à découvrir l'attitude des colons français dans Saïgon, dernier bastion de pure vie coloniale encore épargné par les combats, et les magouilles qu'ils soutiennent sur fond de taux de change artificiels. A Paris, François réussit à trouver un job au Journal du Soir, une rubrique des faits divers qui est bien loin de ses ambitions. Jean vit petitement de l'argent que lui donnent ses parents, brisant les rêves de son épouse d'un mariage qui la mettrait à l'abri du besoin. Hélène tente de poursuivre ses études et cherche à se faite héberger par l'un de ses frères que ça n'arrange pas vraiment. Lors d'une séance au cinéma, une jeune femme morte retrouvée dans les toilettes va tout bousculer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il se passe énormément de choses dans ces 160 pages qui tentent d'adapter un pavé de Pierre Lemaitre, qui lui-même s'appuie sur des personnages récurrents. Christian de Metter parvient à mettre en scène l'ambiance pesante dans la famille, qui subit l'influence d'un père très occupé par les affaires qu'il a lancées après la seconde guerre mondiale. Les enfants, qui sont de jeunes adultes, sont bien incarnés avec leurs caractères différents, en particulier Jean qui semble le plus fragile des quatre. Le récit va nous faire vivre l'évolution de chacun dans sa vie professionnelle ou de couple, en même temps que des évènements extérieurs vont interférer avec chacun d'eux d'une manière ou d'une autre. Tout cela est très fouillé mais très lisible. L'auteur met en scène les faits et ne laisse pas de place à des moments d'approfondissement. Tout se passe dans les dialogues, ce qui est un vrai choix quand il s'agit d'adapter un roman. L'absence de texte ou de voix-off qui raconteraient des scènes ou plongeraient dans les pensées d'un des personnages établit une distance par rapport à l'œuvre littéraire originale. Tout comme le flashback du début, un procédé qui installe une tension et nous prévient que tout ne va pas se passer comme prévu. De Metter poursuit donc son travail basé sur les romans à succès de Pierre Lemaitre, dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils sont riches en personnages et rebondissements. On pourra sans souci lire cet album qui ouvre une nouvelle trilogie en tant que one-shot, sans avoir lu les précédents. Un mélange de chronique sociale et d'enquête policière sur fond de magouilles d'après guerre et de frustration familiale !