L'histoire :
Dans le grand parc devant le petit château familial appelé la Belle Angerie, Jean, surnommé Brasse-Bouillon, attrape, puis étouffe une vipère qui digérait au soleil. Armé de la bête morte, il terrifie Ernestine, sa gouvernante, qui appelle à l’aide. Surgissent alors son frère, Freddie, qu’il appelle chiffe, l’abbé Trubel, un ancien missionnaire blanc, Fine, bonne à tout faire sourde et muette, et enfin sa grand-mère en fauteuil roulant, qui les élève depuis le départ de ses parents en Chine, six ans plus tôt. Tout ce petit monde va exploser avec la mort de la grand-mère et le retour des parents, ainsi que d’un petit frère dont ils ignoraient l’existence. Dès la première image, sortie du train, la mère leur fait une impression terrible. Autoritaire, sèche, elle ne marque aucune émotion au moment de revoir ses enfants. Dès le lendemain, elle édicte des règles de vie extrêmement sévères pour tous les pensionnaires de la maison, notamment les enfants. A force de privations, de punitions et de brimades, les enfants finissent par surnommer cette femme qui n’agit pas en mère, Folcoche, la contraction de « folle » et « cochonne ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les adaptations littéraires sont un exercice difficile. La narration en bande dessinée est double, puisque le dessin accompagne le texte, traduit les descriptions et les portraits, pose un cadre vivant à la place de mots ou de silences. Nombreux sont les auteurs qui ont livré des adaptations tristes ou sans âme parce qu’ils ont refusé de s’emparer de chefs-d’œuvre. On n’en est pas là avec celle-ci, au contraire. Frédéric Rébéna livre un album sobre, agréable à lire où dessin et texte se marient et se complètent parfaitement. La noirceur de son trait, l’abondance de scènes ombrées ou à contre-jour donnent un ton dramatique à un récit dans lequel le lecteur s’angoisse. Désespérance du récit initial, noirceur de l’âme, noirceur du trait… Un trait qui fait penser à celui d’Hugo Pratt à de nombreux moments, notamment lors des portraits initiaux. Rébéna y ajoute des couleurs à l’aquarelle qui parfont une ambiance relèvant souvent du thriller. L’histoire est connue. Une mère n’aime pas ses enfants et décide de leur faire vivre une vie de brimade et de souffrances. Les enfants se rebellent et notamment l’un d’eux, narrateur de l’histoire, deviendra écrivain connu, reconnu, membre de l’académie Goncourt. Les choix de Rébéna font que son album garde une belle intensité dramatique. Dans une postface intéressante, il raconte pourquoi son choix s’est porté sur cette adaptation, comme une confession, après celle, déjà réussie, de Bonjour tristesse… Alors, jamais deux sans trois ?