L'histoire :
Michaël s’arrête en skate devant chez Suzy, qui attend là, assise sur le sol, le regard dans le vide. Elle s’est encore pris une mandale par son père. Ça la gave et ça la déprime. Ils papotent un peu… et assistent de loin à une scène d’anthologie. Moe et sa bande de gros cons de bikers poursuivent le gros Donnie qui court, avec son skate sous le bras, à bout de souffle. Durham l’interpelle et lui rappelle qu’il s’échapperait plus vite en roulant sur son skate. Mais Donnie, ses cheveux gras et sa grosse bedaine n’ont que moyennement confiance en ce moyen de locomotion incertain… Alors Durham, le type le plus cool et calme du quartier, a l’idée du siècle : il ouvre placidement une bouche d’égout, et se place à quelques dizaines de mètres derrière, tandis que les moteurs des motos de Moe approchent au loin. Ça ne manque pas : la roue de Moe se plante dans la bouche d’égout et cet abruti se rétame comme une merde. Couvert d’ecchymoses, sa moto abimée, Moe est bien énervé. Sa bande maîtrise Donnie et Durham et ils commencent à les tabasser. Mais Suzy intervient providentiellement en donnant un grand coup de skate dans la gueule de Moe. Ils sont désormais quatre contre tous les autres… Au moment où Moe dégaine un cutter, une sirène de flic retentit. La camionnette des keufs est au coin de la rue. Ouf. Sauvé par la cavalerie. Tout le monde se sauve dans toutes les directions. Une belle amitié est née !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Alex W. Inker fait rarement n’importe quoi. Et surtout, il ne fait jamais deux fois la même chose. Par contre, il fait toujours tout chez Sarbacane. Avec Colorado train, il surprend encore ses fans, là où personne ne l’attendait. Colorado train est l’adaptation et la projection dans les années 90 du roman de Thibault Vermot (qui se passait dans les années 40). La peinture d’une Amérique profonde, celle des rednecks post-guerre du Vietnam et des skateurs, à l’époque nouvelle pratique cool. Les quatre personnages centraux ont de vraies « gueules », et leur capacité à nouer une amitié forte et sincère permet de s’y attacher malgré leurs profils de loosers. Il y a un petit côté Stand by me, dans la quête initiatique de ces jeunes au long d’un parcours ferroviaire, sur fond morbide (Vermot est lui-même très fan de Stephen King). Mais l’insouciance n’est pas de mise. Ce groupe de potes en prise directe avec leur milieu social désœuvré (mais branché) se confronte en effet de très près à un tueur sordide. Comme pour bien accentuer la juste tonalité, Inker découpe son récit en 21 chapitres, qui sont chacun illustrés en page de transition par des clous rouillés (un de plus à chaque chapitre) et un titre de rock, plutôt grunge, métal et alternatif – on est ici dans les années 90, avec la bande son des Nirvana, Deftones, Smashing, Sonic Youth ou Marilyn Manson. Son dessin encré en noir et blanc, charbonneux, brut et sans concession se conforme tout particulièrement à cette ambiance. Let’s rock and let’s kill.