L'histoire :
Elle s’appelle Gusoon. Elle est née en 1971, dans un petit village au sud de la Corée du Sud, non loin de Kwangju. Elle est la benjamine d’une famille de 9 enfants. Elle vit dans une maison traditionnelle construite par son papa au milieu des collines et des champs, entourée d’arbres dans lesquels le vent aime jouer sa mélodie. Gusoon est un véritable petit garçon manqué. Un petit chef de bande qui aime jouer à la guerre avec ses copains, mais qui meurt de trouille à l’idée de traverser une colline. Celle-ci abrite en effet des tombes mystérieuses et de légendaires serpents. Et qui tremble aussi lorsqu’il s’agit d’aller faire un tour aux toilettes construites tout au fond de la cour, parmi les fantômes et les gros cochons. Son père est agriculteur. C’est également un chanteur talentueux de Pansori (chant traditionnel basé sur l’improvisation) et un orfèvre en matière de décoctions médicinales. Cependant, s’il gagne quelques bottes d’ail en paiement de ses talents, il rêve peu à peu, comme les Cho, d’aller faire fortune à Séoul. En 1977, la famille quitte alors le village natal de Gusoon pour rejoindre la capitale. Ils ont confié toutes leurs économies à un oncle de la petite fille qui doit, en échange, leur fournir un logement et un local commercial…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur une habile partition graphique mêlant déliés de noirs, gris imbibés d’eau et trait rond enfantin, Keum Suk Gendry-Kim reprend le fil de son passé, pour un récit particulièrement touchant de son histoire familiale. L'auteure retrace une période allant de 1971 à 2010, d’un petit village tout au sud de la Corée du Sud, jusqu’à Paris, en passant par Séoul. Elle nous livre ainsi une chronique poignante et sans condescendance. Elle parvient à la fois à retrouver le regard qu’elle portait sur les événements lorsqu’elle était enfant, tout en le nourrissant de la force du recul des années ou en le mettant en parallèle avec l’Histoire de son pays. Ainsi s’égraine une formidable galerie de portraits familiaux .Tantôt lovés dans le cocon de la quiétude insouciante campagnarde. Tantôt bercés par les cruelles désillusions de la capitale du pays du matin calme et son cortège de trahisons, de tragédie, ou d’humiliations. Tantôt angoissés par les excès du régime politique. Mais toujours rythmé, en tout cas, par l’incroyable énergie du coûte que coûte de ce brin de gamine qui vit à pleins poumons son enfance et son adolescence et rêve de venir, comme Van Gogh, dessiner à Paris. Au final c’est un puissant hommage que Keum Suk Gendry-Kim rend au siens : parfois pudique (son papa), fusionnel (sa maman) ou terriblement poignant (sa sœur ainée). Mieux encore : il s’agit, sans doute, d’une déclaration d’amour susurrée à coups d’ombres et d’aquarelles à ceux qui ont permis de faire glisser une irréversible adversité sur son destin.