L'histoire :
Au printemps 1909, Robert Peary s’apprête à effectuer sa sixième expédition pour atteindre le pôle nord. Tandis que ses hommes débarquent son matériel sur un morceau de banquise canadienne, il observe un confrère explorateur à la jumelle. A l’aide d’un attelage de chiens de traineau, Mauss semble pressé de quitter le campement. Il veut en effet enregistrer sur rouleaux de cire le témoignage d’une vieille inuit avant qu’elle ne meure. Native de ces contrées septentrionales, la vieille a en effet une lecture mythologique du monde. Quand Mauss la retrouve dans un lointain igloo, entourée de ses proches, elle a tenu bon car elle a beaucoup à raconter sur les liens qui unissent les dieux et les deux-bras-deux-jambes. Les croyances disent que les dieux disparaîtront le jour où l’homme aura posé son empreinte partout… et ce jour est imminent ! Dans un pan parallèle à notre réalité, un vieux dieu ermite et aigri bougonne en effet. Il observe l’humanité et se lamente de devoir reprendre du service pour protéger un territoire sacré…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Annoncé en trilogie, Inlandsis n’appartient à aucun registre précis du 9ème art. Le scénariste Stéphane Betbeder teinte ce qu’on pourrait appeler une « allégorie écologique », à la fois d’aventures historiques (le récit prend pour contexte le périple polaire de Peary) et de mythologie issue du folklore inuit. Ainsi, les hommes évoluent ici dans le même pan de réalité que des dieux anthropomorphes ou que des animaux parlant. Or le parti pris graphique de Paul Fichet, qui adopte une veine artistique très réaliste, entre en légère dichotomie avec la gamme habituellement utilisée pour mettre en scène les phénomènes divins et/ou fantastiques. Son dessin soigné, aux traits fins, est bien plus abouti et besogné de ce qu’il avait montré dans sa lointaine première BD (Lover masqué). Aussi à l’aide pour mettre en scène la culture inuit, les vikings de jadis, les palabres entre ours polaires ou le déchainement spectaculaire des éléments, il applique à ses séquences différentes ambiances marquées aux teintes évidemment froides (il s’occupe aussi de sa propre colorisation). Bref, si le parti pris narratif est intéressant, on est parfois déstabilisé pour identifier immédiatement le cadre auquel appartiennent les diverses séquences de cette allégorie… et on ne s’attache pas (encore) aux personnages, faute de protagoniste central. En propos de fond, pointe l’hypothèse de l’homme destructeur de son environnement… et les alertes scientifiques actuelles étayent ce funeste présage.