L'histoire :
En ce début de l'année 1931, la croisière poursuit son cours tant bien que mal. Le groupe Chine, mené par Victor, termine sa traversée du désert de Gobi pour atteindre le Sinkiang, province chinoise où commence à régner une certaine anarchie, illustrant les luttes de pouvoir au cœur de l'immense territoire que Tchang Kaï-Chek tente d'unifier. Le groupe mené par Haardt traverse l'Afghanistan et s'approche de l'Himalaya, empruntant des pistes incroyablement dangereuses. Les deux équipes devant se rejoindre en Chine et mettre leurs moyens en commun pour une conclusion triomphale. Pour Victor, les plus grosses difficultés viennent de ses relations avec les autorités chinoises, dont les engagements ne sont pas toujours tenus. Le groupe de scientifiques mandatés par le régime pour rejoindre le convoi se fait systématiquement attendre, pour annoncer à chaque fois qu'ils ne se joindront au groupe qu'à l'étape suivante. Et une altercation avec l'un des représentants du gouvernement les conduit à une sorte d'incident diplomatique et les oblige à quitter le groupe. Pendant ce temps, à Paris, Alice se rapproche d'un journaliste allemand qui se dit passionné par la croisière jaune. Un peu naïve, la jeune femme n'imagine pas les intentions probablement cachées du charmant jeune homme. Mais à l'aube de la guerre sino-japonaise, alors qu'en Europe les forces se reconstituent entre les anciennes grandes puissances, l'ambition industrielle démesuré de Citroën provoque des jalousies, et soulève bien des tensions...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le plongeon dans la grande aventure se poursuit avec ce troisième tome tout aussi réussi que les deux premiers. Le scénario de Régis Hautière est parfaitement rythmé, alternant les scènes de progression des deux expéditions, sans oublier les humeurs amoureuses de la belle Alice, restée à Paris. Ce qui frappe aussi dans ce nouvel épisode, c'est la constance du dessin d'Arnaud Poitevin, remarquablement évocateur, subtilement retenu. Un équilibre très réussi entre de beaux traits de contours de visage à la manière des grands aînés de la BD classique (on pense à Jijé où à l'américain Frank Robbins) et une dose de hachures soignées qui donnent une épaisseur très concrète aux paysages asiatiques. Si l'on y ajoute une mise en page ultra efficace dans sa sobriété, comme la remarquable fuite-fusillade de la page 31, on s'aperçoit que l'artiste est pour beaucoup dans la captation de l'intérêt du lecteur. Le coloriste Christophe Bouchard est à l'unisson de ce mélange de sobriété et de modernité. Il introduit juste ce qu'il faut d'effets de couleur pour accentuer certaines scènes, comme les aplats rouges sombre du déchaînement de violence de la page 42, tandis que les cases de Poitevin se séparent comme des morceaux de verre. Un duo de très haut vol s'affirme ici dans tout son talent, porté par la maîtrise narrative de Régis Hautière, décidément de plus en plus important dans le paysage de la BD francophone. Bref, cette saga apparemment traditionnelle autour de la fameuse croisière jaune Citroën cache bel et bien une palpitante série d'aventures. Et révèle ou confirme le grand potentiel de ses auteurs.