L'histoire :
Depuis la nuit des temps, les « Cancer Simplimus Vulgaris », des petits crabes carrés de l’estuaire de la Gironde, se déplacent strictement latéralement, incapables de changer de direction. Mais un jour, pour éviter de se faire écrabouiller par un bateau qui sombre, l’un d’entre eux, prénommé Soleil, se met à tourner ! Il vient d’ouvrir la voie à une (r)évolution de son espèce. Enivrés par ce vent de liberté qui s’offre à eux, certains lui emboitent le pas. Ils se font appeler « les tournants ». D’autres, « les rigides », refusent cette évolution contre-nature et leur déclarent la guerre. Or ces derniers reçoivent la puissante aide des tourteaux et des homards, qui tiennent à préserver le contrôle de leur zone de pêche. Profitant d’un rassemblement inespéré des petits crabes, les homards déclenchent alors sur eux une marée noire, en ouvrant les écrous d’un pipeline sous-marin. Tandis qu’en surface les humains nettoient et se confondent en accusations diverses, la trentaine de survivants est aussitôt asservie en esclavage par les tourteaux. C’était sans compter sur le retour de Soleil, qui est allé chercher du renfort sous d’autres profondeurs. Les crabes se libèrent et jouissent pendant une grosse année d’une incroyable liberté de mouvement pour leurs pêches. Résultat : ils grossissent et réorganisent (mal) leur société…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Arthur de Pins met ici un terme à une prodigieuse aventure mettant en scène… des crustacés. Eh oui, c’est dingue ce qu’on peut en dire des choses intéressantes, avec de simples petites crabes vivant dans l’estuaire de la Gironde. Car au-delà de ses aspects épiques et comiques, l’œuvre peut être abordée à la fois sous le prisme de la fable darwinienne, de la métaphore politique ou de la relecture du mythe de la caverne (de Platon). Et dans ce tome 3, la question pourrait-être : toute évolution est-elle synonyme de progrès ? (vous avez 4 heures). Sous maints aspects, on peut comparer la querelle de ces crabes aux tiraillements et égarements de notre civilisation humaine. Visuellement, de Pins réitère la méthode qui fait désormais sa griffe, dansla droite ligne (latérale !) de l’un de ses mentors, Monsieur Z. C’est-à-dire ici, un dessin toujours vectoriel (entièrement réalisé sous Illustrator®) et une colorisation bichromique en aplats de couleurs ternes. De Pins conclut donc ici son « grand œuvre », pourtant initialement réalisée entre deux jobs, pour se divertir. La marche du crabe fut en effet tout d’abord une chouette animation flash, re-scénarisée ensuite pour passer au format du court-métrage (sans passage à l’acte)… Et cette histoire aura finalement vu le jour sous la forme d’une trilogie BD, plus souple à mettre en œuvre, de plus 120 pages par tome. Au passage, elle aura aussi occupé 8 années de la vie d’artiste de de Pins, qui abandonne son monde sous-marins une larme à l’œil…