L'histoire :
En avril 1890, la jeune infirmière Faustine Clerval prend son poste nocturne dans l'institut londonien de Whitechapel où elle a été récemment admise. Elle se rend aussitôt dans la chambre d'un être difforme, Joseph Merrick, et avec son accord, met fin à ses jours en l'étouffant avec son oreiller. Sept ans plus tard, Faustine est au service d'un médecin à la sulfureuse réputation, le Docteur Jekyll. Malgré une aisance financière confortable, Jekyll vit la plupart du temps reclus dans son laboratoire. Seule Faustine a le droit de pénétrer les appartements interdits, dont l'apparence se situe entre entre le squat sordide et l'antre d'un alchimiste. Jekyll n'en sort que de rares fois, uniquement dans l'obscurité, pour des nuits de débauches qui peuvent être ultra violentes. Visiblement, il expérimente sur lui-même depuis plus de 10 ans des potions de son invention, qui ont pour effet de développer son métabolismes et ses pulsions agressives. Ce jour là, tandis que le majordome embauche un nouveau domestique, Faustine prépare son employeur à un voyage jusqu'en Suisse. A priori, le voyage est le seul moyen d'obtenir d'un dénommé Walton, les produits illicites qui manquent à la suite des expérimentations. Accompagné par sa « conscience » Faustine, Jekyll ignore qu'il trouvera là-bas pire créature que lui...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme le souligne le titre très explicite (aux limites de la série Z), cette nouvelle série (en deux tomes) de la collection 1800 se propose de confronter deux figures emblématiques de la littérature fantastique du XIXe siècle. Certes, les fictions originelles plantent les deux savants démiurges de Jekyll et Frankenstein à deux époques différentes... Peu importe : l'avantage du registre fantastique est d'autoriser beaucoup de souplesse sur ce type de détail : admettons donc que la créature ait survécue aux glaces du pôle et qu'elle soit venue s'établir en Suisse, à l'époque de Jekyll. Néanmoins, ce premier tome focalise nettement plus sur la dualité Jekyll-Hyde de Robert-Louis Stevenson, que sur la créature de Mary Shelley. Le second opus devrait inverser cette tendance. On sent chez le scénariste Dobbs la volonté de trouver un juste milieu entre les lieux communs pré-mâchés concernant ces mythes et les dérives extravagantes qu'il serait tentant d'en extrapoler. Si Dobbs parvient en effet à éviter et le piège du consensus et celui du grand-guignol, il en oublie parfois de soigner la limpidité de la narration (qu'est ce qui se passe, exactement, au grand bazar de la charité ?). Une des forces de cette première partie de diptyque réside dans le rendu visuel d'Antonio Marinetti. L'italien livre des encrages réalistes élégants et détaillés, dans des décors judicieusement sordides, et l'ensemble bénéficie d'une colorisation expressément fade et délavée, à la limite permanente de la bichromie (par Virginie Blancher). En ressort une atmosphère glauquissime à souhait, en parfait écho avec des protagonistes pas franchement vertueux. Mais paradoxalement, le personnage le plus intéressant par son ambivalence est sans doute celui de la gouvernante, Faustine...