L'histoire :
L'Italie du milieu des années 70. Gloria est la fille d'un juge d'instruction dont toute la famille est sous surveillance policière, pour des raisons évidentes de sécurité. Comme si cela ne suffisait pas, Strozzi, notable à Rome, qu'on surnomme « Le Baron Rouge » pour ses accointances communistes et qui est le beau père du Juge, paye également des hommes d'armes pour renforcer le dispositif. Mais le pire est arrivé : Gloria a été enlevée. L'opération millimétrée révèle le professionnalisme des kidnappeurs. La voiture que conduisait Strozzi a été percutée, lui immédiatement chloroformé, la femme qui accompagnait l'enfant liquidée d'une balle dans la tête et une fausse ambulance a permis l'extraction de la gosse. Le tout a duré moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Ce genre d'opération suppose la parfaite connaissance de l'emploi du temps de la famille et une organisation que seul le grand banditisme peut mettre en place. Deux flics mènent l'enquête, qui les amène à multiplier les pistes sans qu'aucune ne soit claire, bien que des soupçons pèsent sur un joueur de foot de la Roma aux abois, qui vient de sortir de désintox. Quel rôle joue-t-il ? Est-il directement impliqué ou manipulé par le réseau qui a enlevé la gamine ? Comme rien n'est simple, la Police commence aussi à avoir des doutes sur l'authenticité des messages que lui ont fait parvenir les ravisseurs...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cette série, Christian De Metter est passé d'un premier cycle « américain » à un second qui situe l'action dans l'Italie des années 70, dont la démocratie fut fragilisée par de nombreux mouvements politiques. Comme le pays pris en étau entre la menace du communisme de la Guerre Froide et le spectre du fascisme toujours présent, le lecteur devient captif du récit, embarqué dans l'engrenage des évènements qui le mettent sous pression, à l'instar de celle ressentie par les deux flics qui mènent l'enquête. Et tout comme le sniper qui entre en scène dans ce volume, l'auteur se montre d'une précision remarquable, car tout s'imbrique parfaitement pour que le voile de ce mystérieux enlèvement finisse par se lever. Avec sa galerie de personnages attachants pour les uns et détestables pour les autres, le manichéisme propre au polar est bien de mise. Mais il trouve surtout un écho à travers un autre élément auquel l'auteur semble attaché, si on se retourne un instant sur ses œuvres : la tragédie. Et si « toute ressemblance avec des faits et des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite », il n'y a, en revanche, aucun hasard à ce que Pier Paolo Pasolini soit une figure citée et présente par ellipse, ni que l'album s'achève par une scène de théâtre. Côté dessin et couleurs, on connaît le talent de l'artiste pour dresser des portraits inquiétants, qui laissent transparaître tout le malaise et le désespoir de victimes, ainsi que la folie sadique des salauds de son polar. Voici donc un pthriller remarquablement équilibré entre action et psychologie, ce qui est aussi une autre marque de fabrique de De Metter. Le premier cycle de la série n'avait laissé personne de marbre. Le second, maintenant qu'il a trouvé sa conclusion, peut être également qualifié d'excellent.