L'histoire :
Le matin du 19 août 1995, le corps à moitié calciné du juge français Bernard Borrel est retrouvé contre un rocher en contrebas de l’anse du diable donnant sur la mer rouge, à Djibouti. Sur le parking, sa voiture est stationnée, la portière du conducteur grande ouverte. Elle contient un bidon d’essence dans le coffre et un short sur la banquette arrière. Entre la voiture et le corps, se trouvent jonchés : un briquet, une sandalette imbibée d’essence, une montre et un autre bidon d’essence, vide. Immédiatement, les forces de police envoient un télégramme à Paris avec une première conclusion : tout semble privilégier la thèse du suicide, par immolation. L’épouse, Elizabeth Borrel, apprendra la mort de son époux dans la matinée, de la voix du consul de France, Philippe Guérin, après une nuit d’angoisse. Elle retrouve à leur domicile une sacoche contenant des lettres de dette, résultantes de l’achat de médailles militaires – la passion collectionnite de feu son mari… mais pas vraiment une lettre d’adieux. On enterre Bernard Borrel le 4 novembre dans un caveau familial de Haute-Garonne. C’est alors que la thèse du suicide sonne ridicule, comme une évidence, à tout point de vue. Les indices, le mobile, l’état d’esprit, les circonstances… rien ne colle. Au gré de nombreuses procédures, contre-enquêtes, témoignages et investigations, le journaliste David Servenay va se heurter aux arcanes dégueulasses d’un vaste secret d’état à tiroirs…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aujourd’hui, 22 ans après, « l’affaire Borrel » n’a toujours pas été officiellement élucidée. La procrastination, les errances et les erreurs judiciaires vont étrangement souvent de pair avec les secrets d’état honteux (mort de Robert Boulin, Bugaled Breizh…). Pour point de départ, Bernard Borrel, ce juge français en poste à Djibouti a été retrouvé immolé par le feu en 1995. Pour problématique centrale, la thèse du suicide immédiatement émise par les autorités a petit à petit été battue en brèche par les faits, les indices, les autopsies, progressivement révélés par les investigations approfondies de journalistes et de juges intègres. C’est ce scandale juridico-médiatico-pluri-étatique que retrace ici méthodiquement le journaliste David Servenay, lui-même dessaisi de la couverture du sujet par sa direction, tandis qu’il enquêtait à RFI. En 9 chapitres thématiques, il revient sur les paramètres très techniques de cette énigme étouffée par le secret-défense. Etant donné le sujet, il ne s’agissait pas pour Thierry Martin de faire dans le spectaculaire. Son dessin est minimaliste, se bornant à illustrer les nombreux narratifs didactiques inhérents à ce principe de BD documentaire. Ces derniers sont souvent lourds des tournures juridiques et des enrobages technocratiques utilisés pour embrouiller la vérité. Le parti-pris de fond rejoint évidemment la thèse la plus probable aujourd’hui, à savoir l’assassinat politique. La conclusion ouvre sur les mobiles possibles de cet acte et sur un long entretien avec Elisabeth Borrel et les avocats de ses fils, permettant de faire le point sur l’état actuel de l’enquête.