L'histoire :
Le 7 août 1560, naît Erzsébet Bathory, parmi l'une des plus puissantes familles de Hongrie. La jeune fille a grandi auprès de femmes guérisseuses et herboristes, pratiquant la médecine, la chirurgie et l'utilisation des plantes à des fins médicinales. Bercée dans cet environnement, elle est ensuite devenue l'épouse d'un certain Ferenc Nadasdy de Nadasd et Fogarasföld le 8 mai 1575. De cette union, le couple eut des enfants, et c'est naturellement que la comtesse prit la direction du château de Cachtice en l'absence de son mari. Celui-ci, très affaibli, perdit la vie en 1604. Alors, la comtesse continua de gérer seule son territoire et son patrimoine, sans porter le deuil exigé d'un an. Son attitude commença à déplaire, et à attirer les ragots et les rumeurs visant à lui faire perdre sa crédibilité. Ces « on-dit » attisent les convoitises, elle est jalousée par ses opposants politiques. Comment supporter qu'une femme devienne aussi influente ? Elle est dépeinte comme une comtesse maudite, exerçant de terribles traitements sur les femmes, les torturant, les assassinant... Un procès à son encontre est ouvert le 2 janvier 1611. Les hommes qui menèrent cette inquisition contre Bathory demandèrent à des centaines de personnes de venir témoigner contre cette sorcière, cette pécheresse qui eut assassiné de jeunes vierges pour les vider de leur sang, et prendre des bains de jouvence. Entre légendes, mensonges, faux témoignages et vérité, la comtesse Bathory aura suscité des sentiments aussi contradictoires que la peur et la fascination.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'illustratrice bordelaise Anne-Perrine Couët a participé à la publication de deux ouvrages engagés Féministes et Méfie-toi d'une femme qui lit. Cette fois-ci, elle se lance comme autrice complète, et s'intéresse à la figure controversée et fascinante de la comtesse Bathory. Cette femme de pouvoir a été évincée des hautes sphères de la société suite à des fausses accusations de sorcellerie, de meurtres et de séances de torture, suite à un simulacre de procès de grande envergure. A la lecture de la bande dessinée, on comprend grâce à de nombreuses indications de dates, ou de noms de personnages, que celle-ci prend appui sur une femme qui a marqué l'Histoire. Mais nous ne connaissons pas forcément ces légendes, cette aura qui entoure la comtesse Bathory. A ce titre, le dossier en fin d'album est réellement pertinent. Il permet de replacer factuellement l'Histoire derrière la légende, de nous donner une chronologie des événements, mais aussi de montrer que l'autrice s'est finement documentée pour nous proposer cet album. Le scénario porte un engagement à la fois féministe, mais il montre aussi le pouvoir des légendes et des mythes. Cette dimension n'est cependant pas trop envahissante, et c'est le lecteur qui se lancera dans ces réflexions. Divers points de vue, parfois contradictoires, nous sont proposés, venant des personnes auditionnées lors du procès, et des moments de la vie de la comtesse. Graphiquement, les personnages sont en noir et blanc, presque crayonnés, et s'intègrent sur un fond dans les tons de jaune. Le tout ressemble presque à des gravures d'époque. Ce roman graphique agréable lance la réflexion suivante : la comtesse Bathory était-elle réellement le monstre que l'on dépeint, ou était-elle seulement une femme comme les autres ?