L'histoire :
Le 25 février 1980, le sémiologue et philosophe Roland Barthes sort d’un déjeuner parisien en compagnie de François Mitterand, préoccupé. A quelques encablures de la rue de Bièvre, il traverse une rue sans regarder et… il est percuté par une camionnette. Il est transporté à l’hôpital de la Pitié Salpétrière, où il reprend conscience. Il reçoit alors rapidement la visite d’un commissaire de police aussi costaud que membre d’un département spécial. Le commissaire Bayart interroge Barthes qui ne répond que par signes de la tête… et semble refuser de divulguer certaines réponses. La commissaire en déduit qu’il a peur. L’accident en était-il vraiment un ? Quelqu’un avait-il intérêt à supprimer Barthes ? Le chercheur sémiologue avait-il fait une découverte révolutionnaire ? Bayart est opiniâtre, mais il n’est pas un intellectuel. Pour comprendre le mobile, il essaie de comprendre les écrits de Barthes, mais c’est clairement du chinois. Il s’en va donc réquisitionner un professeur d’université à la fac de Vincennes, afin de se faire épauler. La secrétaire de l’accueil lui indique l’amphithéâtre où un cours sur les sens cachés dans les films de James Bond est donné par le professeur Simon Hertog. Ce dernier est humble, mais effectivement très calé sur sa connaissance des sujets travaillés par Barthes. Il explique la sémiologie à Bayard et en met aussitôt en application ses mécanismes de déduction pour définir ce policier un peu bourrin et bien à trop à droite pour lui…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le célèbre philosophe et sémiologue Roland Barthes est mort à Paris, des suites d’une collision piétonne avec une voiture. De cette mort tragique et authentique, Laurent Binet en a extrudé un roman et une thèse de fiction qui verse dans la théorie du complot politique… que Xavier Bétaucourt, aidé par Olivier Perret au dessin, adapte ici en BD. En effet, Barthes avait authentiquement défini 6 fonctions du langage (elles sont détaillées dans l’album). Imaginons qu’il en ait trouvé une septième, une fonction particulièrement performative, qui offre à toute personne qui en a la maîtrise de convaincre n’importe qui, de faire n’importe quoi, en toute situation ? En somme, un outil de manipulation ultime, qui permette discrètement de soulever les foules, provoquer des révolutions, séduire les femmes, escroquer quiconque, bref, obtenir tout ce qu’il veut en n’importe quelle circonstance. Les auteurs considèrent que cette fonction serait comme une formule mathématique assimilable à une arme absolue, dont il s’agit de s’emparer avant les services secrets concurrents. Un flic bourrin et un professeur d’université enquêtent ainsi et se retrouvent bringuebalés par les milieux intellectuels et politiques, durant les derniers mois de Giscard à la présidence de la république française. Si le ton est celui du thriller d’espionnage, les armes sont des joutes verbales que ne comprendront que ceux et ceuzes qui se sont un tant soit peu intéressés à la sémiologie. C’est atrocement pointu, fort peu explicite des rouages complexes de cette « science » humaine. Nos protagonistes croisent toute une foule d’acteurs de l’époque, dans leurs propres rôles (Jack Lang, Michel Foucault, Giscard, BHL, Jacques Derrida, Umberco Éco…) et c’est sans doute ce qu’ils sont amenés à faire et à penser, quitte à malmener parfois la vérité (notamment quand on coupe les couilles de Philippe Sollers au sécateur, par punition d’avoir perdu une joute), qui fait le sel de ce scénario complexe. On croise même régulièrement les auteurs, qui hantent régulièrement la narration eux-mêmes, comme pour tenter de la rendre explicite… souvent en vain.