L'histoire :
Le jeudi 26 décembre 1974, le jeune Michel est tout content que son frère Joseph lui mette un casque sur la tête et lui confie le guidon de sa mobylette. Lui s’installe sur le porte-bagages, et ils partent, euphoriques, faire une virée en ville entre frangins. Joseph veut lui montrer le chevalement de la fosse de mine dans laquelle il va descendre le lendemain. Frère modèle pour Michel, Joseph est fier d’être un mineur de fond, même si le métier est dangereux et que l’espérance de vie des ouvriers est faible. Le lendemain, c’est par la radio que Michel apprend la catastrophe. Un coup de grisou à la fosse 3bis, celle dans laquelle devait descendre son frère, a fait plusieurs victimes. Tout Liévin se masse devant l’entrée de la mine. Les nouvelles remontent au compte-gouttes. Bientôt, les politiques défileront pour prendre acte de la tragédie et promettre que ça ne recommencera plus. On annonce que Joseph est blessé, mais pas mort. Michel et ses parents lui rendent visite à l’hôpital. Il est inconscient et intubé. Il ne reprendra jamais ses esprits et mourra 21 jours plus tard, en marge des 42 morts officiels de l’accident. On accuse le manque de moyens, les précautions nécessaires qui n’ont pas été prises… Mais Michel reste et restera inconsolable. Leur père aussi : il se suicidera l’année suivante, le jour anniversaire de l’accident.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les romans de Sorj Chalandon ont tendance à nous mettre de grandes baffes dans la gu… Alors quand ils sont adaptés en BD – et l’écrivain est très ouvert à ce médium – on s’y intéresse de près et on fait souvent bien. Le propos de ce Jour d’avant, récompensé du prix Libraires en Seine 2018, est une nouvelle fois poignant et bien amené. Romain Dutter se charge de l’adaptation narrative au 9ème art et peut se reposer sur une matière première riche de sens et une mécanique psychologique implacable. La problématique se situe en marge d’une tragédie minière authentique : le 27 décembre 1974, un coup de grisou tue 42 mineurs de fond dans la fosse 3bis de Sain-Amé, à Liévin. Un jeune homme, frère d’une victime, nourrit toute sa vie un profond ressentiment envers « la mine » en général et commet, trente ans plus tard, un acte vengeur terrible. Quelles causes, quelles conséquences ? Simon Géliot fournit un dessin semi-réaliste spontané, vif, jeté et néanmoins très juste, aux accents « Baruesques ». D’une « élégance brutale », comme le décrit lui-même Chalandon en préface. Le roman graphique qui en ressort a des accents de thriller psychologique. Il décrypte petit à petit le contexte de l’époque, la condition ouvrière, la psychologie retorse du personnage, sans tomber dans l’écueil manichéen de la haine prolétaire envers l’exploitant et le politique. Tous les responsables de la triste condition de mineur, envers laquelle cette œuvre est un vibrant hommage, sont pourtant bien réunis sur le banc des accusés. C’est brillant.