L'histoire :
Il rêve qu’il craque une allumette, qui embrase une flaque d’essence puis une forêt toute entière. A son réveil, il est toujours emprisonné dans la geôle du shérif, le visage tuméfié par les coups qu’il a reçus. Une lampe à pétrole est allumée dans un coin. La danse des flammes lui rappelle son rêve. Malgré les barreaux, le shérif le tient en permanence en joue avec son fusil. Il ne le connait que trop bien, il sait ce dont il est capable pour s’évader. Le shérif lui apprend que pendant qu’il l’arrêtait, une bande de connards a dévalisé la banque. Une troupe de cowboys s’est donc lancé à leurs trousses. Le shérif veut comprendre son ultime meurtre, d’une balle dans la tête de son ennemi à bout portant, avant de se rendre paisiblement, sans arme. Il veut aussi comprendre ses relations avec celle qu’on appelle la mexicaine, et qui tient le bordel local. Apaisé, presque philosophe, l’homme demande une part de ragoût et… se met à table.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet épais volume en noir et blanc, Revanche, est le deuxième volet d’une trilogie sur l’enfermement, que Baladi réalise depuis Renégat, en 2012. Dans sa postface, l’auteur suisse avoue pourtant ne porter aucune affection particulière pour le genre western. Il convoque cependant quasiment tous les repères du genre : bandits tueurs, braqueurs de banque, shérifs, bastons, duels au flingue, indiens comanches, traque à travers les vastes espaces, tireurs embusqués, sans oublier les prostituées locales qui ont leurs propres méthodes pour tenir au respect cet univers par définition ultra machiste. Pour autant, bien malin qui comprendra tout ce qu’a voulu raconter Baladi. L’auteur issu du fanzinat se laisse porter par une narration patchwork, au sens premier du mot, c’est-à-dire décousue et recousue. A vous de reconstituer ce qui appartient au rêve, au passé, au présent, car tout s’enchaîne sans transition. A vous d’interpréter les non-dits et de déduire tout ce qu’on ne sait pas des nombreux regards que l’on ne voit pas. Il faut aussi dire que le sympathique dessin encré en noir et blanc joue avec un découpage non conventionnel (Baladi a appartenu à l’OuBaPo…) qui se moque bien des traditionnels gaufriers. Les cases s’empilent au milieu des pages, collées les unes aux autres, parfois sous la forme des facettes dépliées d’un cube. D’autre part, Baladi prend un malin plaisir à proposer des cadrages en contre-jour, ou décalés, ou cadrés exprès sur tout autre chose que les sujets qui nous éclaireraient, généralement dans l’ombre ou dissimulés. Il en ressort une loooongue histoire un peu (très) nébuleuse avec des cowboys, l’un enfermé les autres en fuite, et des femmes fatales qui tirent les ficelles.