L'histoire :
Dans un monde de légende, un petit garçon et son papa ornithologue habitent une cabane tout en haut d'un gigantesque arbre. Or ce jour-là, une belle lurette, un oiseau aussi rare que majestueux, se pose au bout d'une branche et y pond un oeuf, le douzième et dernier de sa longue vie (144 ans). Le père est bouleversé par cet événement, que les encyclopédies affirment lourd de sens. Il tente aussitôt de récupérer l'oeuf, mais glisse de la branche et choit dans le vide, sous les yeux horrifiés de son fils. Dans sa vertigineuse chute, il a toutefois le temps d'avaler l'oeuf. Bien des années plus tard, en pleine tempête sur un océan démonté, l'explorateur Quentin de la Pérue désespère d'arriver au terme de son périple. Deux ans qu'il est parti à bord de sa caravelle, pour le compte du roi de Ponduche, pour trouver de nouvelles terres... Or tout ce qu'il a récolté, ce sont les mauvaises humeurs éthyliques du peintre officiel, Eugène. Cette nuit là, en proie à une nouvelle crise de désespoir amoureux, Eugène se jette à l'eau. Le lendemain matin – ô joie ultime – le calme est revenu et un rivage est en vue ! Habité par la fierté, le comte met une barque à l'eau et s'apprête à ficher son drapeau dans ce sol nouveau... lorsqu'il s'aperçoit qu'il est tout bêtement revenu à son point de départ ! D'ailleurs, le roi en personne se promène par là et ne manque pas de se fiche de sa poire. La raison de cet égarement est simple : on a perdu le nord ! Dans ces conditions, plus personne ne navigue et les poissons volants viennent s'échouer dans le sable. Or finalement, cela ne préoccupe que peu le roi, tout accaparé qu'il est à satisfaire les 17 caprices de sa nouvelle fiancée, Manie...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme l'indique le titre de cette nouvelle série, soyez les bienvenus dans un univers légendaire complètement « azimuté », foutraque, pour ne pas dire loufoque. Faites confiance au talent de Wilfrid Lupano : ce joyeux bazar est savamment organisé pour tisser un conte aussi inventif que riche en perspectives. Dès les premières planches, on se croirait tombé dans un ersatz d'Alice au pays des merveilles. On a le sentiment que tout peut arriver, surtout le plus improbable... et néanmoins, Lupano maîtrise et manoeuvre à merveille, à grand renfort d'absurde et d'humour. Par exemple, l'une des problématiques centrales de l'histoire vient de la perte du nord, au sens premier du terme. Dès lors, toutes les composantes de l'univers partent en fenouille, comme soumises à un dérèglement géographique et temporel cohérent, mais dont il reste encore à percer les rouages. Au delà de la fantaisie et de la drôlerie qui pullulent dans ce premier opus, Lupano oriente sûrement son scénario sur des voies philosophiques et existentielles. En outre, ces contingences merveilleuses semblent avoir été composées pour coller au registre graphique de Jean-Baptiste Andréae. L'artiste doit prendre un grand plaisir à dessiner les péripéties et les décors grandement variés de l'épopée, réunissant entre autre vols de clepsigrues sauvages, palais flamboyants et évasion de princesse dénudée à bord de montgolfière. Mais qu'est-ce donc que ce terrible arracheur de temps ? Et quel vil dessein la princesse Manie embrasse-t-elle ?