L'histoire :
À l'avant-veille de la fermeture de l'exposition universelle de 1900, les parisiens qui ont la chance d'avoir des entrées peuvent encore s'émerveiller des prodiges permis par la fée électricité. Un vent de modernité souffle sur la société. L'on se met à croire à l'utopie d'un monde meilleur, notamment d'une société plus égalitaire. Cependant, deux anarchistes ont préparé depuis des semaines un attentat retentissant : ils ont placé une bombe justement dans le palais de l'électricité, qui doit sauter le lendemain. Ils règlent à présent les détails de leur fuite vers les USA. Ils croient œuvrer contre les industriels qui s'approprient cette nouvelle science, et qui ne manqueront pas d'en spolier le peuple. Ils croient participer à un acte collectif majeur, un attentat mondial qui frappera au même moment toutes les grandes capitales. Ils sont en réalité manipulés par Alec Rindt, un richissime autrichien ravagé par sa puissance financière et son amour pour une jeune femme, Léna Stihr. Léna est aujourd'hui l'épouse de Mathias Stihr, l'un des principaux fournisseurs de générateurs électriques... Elle a tout fait pour oublier son amour pour Alec, en quittant l'Autriche, en acceptant un mariage de raison et une vie bourgeoise à Paris. Mais ça n'a pas fonctionné, elle s'en rend bien compte, aujourd'hui. Elle a alors tenté de se suicider, mais Victor se trouvait là pour la sauver des eaux. Victor, l'indigent transformé en assassin grâce à la fortune d'Alec, aurait-il ainsi rattrapé ses fautes ? Peut-être, croyant bien agir, a-t-il commis un acte encore pire...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce tome 4 de L'assassin qu'elle mérite, que les lecteurs attendaient fébrilement depuis deux ans et demi, Wilfried Lupano met le point final d'une brillante série dramatique se déroulant aux premières heures du siècle de toutes les outrances, évidemment le XXème. Ici, en marge d'une peinture d'époque sans reproche, en marge des questions politiques que se pose la société européenne à un tournant majeur de son destin (capitalisme versus anarchisme), en marge de dialogues écrits avec soin, la réflexion se porte sur le pouvoir de l'argent, capable de transformer un innocent en coupable de tout, mais incapable d'acheter l'amour. Victor demeure le personnage principal, plus que jamais pantin manipulé, mais plus par les circonstances que par la folle prétention d'Alec, comme durent les 3 premiers tomes. En revanche, Lupano aura lui brillamment réussi à manipuler son lecteur, en l'amenant là où il ne l'attendait pas, sans jamais le décevoir. Il nous laisse torturés par un final inattendu, riche en réflexions humaines et sociales, et tout sauf manichéen. La partition graphique de Yannick Corboz demeure dans les standards de haut niveau des précédents volets. En sus du juste décorum, le dessinateur brille aussi pour accorder de la tension dramatique à ses personnages expressifs, alternant les cadrages justes et un jeu savant de profondeurs et de focales. Un cahier graphique de 8 pages termine en beauté la première édition de cette quadralogie essentielle.