Après avoir débuté avec Nicolas Pothier (Ratafia) sur les titres Woody Allen et le plébiscité Voies Off, Yannick Corboz nous a présenté une autre facette avec le diptyque Célestin Gobe la Lune. Scénarisé par un Wilfrid Lupano en verve, nous avons suivi les péripéties de ce Don Juan maladroit et fantasque avec grand plaisir. Nous ne fûmes pas les seuls puisque le tome 2 fait partie de la sélection du Gang des Talents 2008 ! L'histoire achevée avec ce second tome, nous avons profité du festival A Tours de Bulle pour interviewer un auteur talentueux et sympathique !
interview Bande dessinée
Yannick Corboz
Afin de te connaître, peux-tu te présenter, ta vie, ton œuvre, ton parcours jusqu’à aujourd’hui…
Yannick Corboz : Je m’appelle Yannick Corboz et j’habite à Annecy. A la fin du lycée, j’ai décidé de me lancer dans le dessin et j’ai intégré une école de dessin à Lyon pendant 4 ans. J’ai enchainé dans le jeu vidéo chez Infogrammes. On m’a mis sur un jeu de foot et malgré que je n’aime pas le foot, cela m’a bien plu. Ensuite, j’ai travaillé sur un ou deux autres titres comme Alone in the dark 5, la version est sortie il y a quelques mois mais j’ai bossé dessus il y a 7 ans. Infogrammes m’a alors licencié avec 1500 personnes, et j’ai poursuivi ma carrière dans le jeu vidéo chez Ubi Soft, où j’ai débuté sur Splinter Cell Pandora Tomorrow en tant qu’animateur 3D. Sur les autres jeux, je faisais surtout de l’illustration. En fait, j’ai rencontré Nicolas Pothier chez Infogrammes avec qui on a sympathisé, on a fait quelques histoires courtes qui furent publiées dans Bodoï et qui sont devenues petit à petit Voies Off. Faire des histoires courtes était une chose parfaite pour moi. Avant ça, on a fait un titre sur Woody Allen chez Nocturne. Voies Off est sorti ensuite grâce à Ratafia, car lorsque Nicolas l’a signé, on a pu s’engouffrer dans la brèche.
Une suite à Voies Off est-elle prévue ?
YC : En fait, je travaille régulièrement avec Nicolas, mais on fait plus de l’illustration, de la pub. En ce moment, je bosse sur un gros titre pour le compte d’un éditeur français, mais je n’ai pas le droit de dire le nom ! J’ai aussi fait une scène pour le jeu Spyro qui sort en fin d’année. Pas de projet BD pour l’instant avec Nicolas.
Comment as-tu rencontré Wilfrid Lupano ? Dans un bar ?
YC : En fait, Wilfrid raconte partout qu’il m’a trouvé les fesses à l’air dans un bar et qu’il a pensé que j’étais fait pour son scénario ! En fait, on s’est rencontré à Angoulême sur le stand Delcourt. Il m’a proposé plusieurs scénarios et j’ai choisi Célestin Gobe La Lune. Je connaissais déjà son travail sur Alim le tanneur et ça me plaisait bien. Il a plein de projets, les sorties se multiplient pour lui dans les prochains mois, un notamment avec Paul Cauuet.
Que penses-tu de ces derniers titres, L’ivresse des fantômes ou Corpus Crispies dont l’approche visuelle est assez différente de la tienne ?
YC : Pour L’ivresse des fantômes, j’attends de voir la suite tandis que Corpus Crispies, je trouve que ça ne fonctionne pas. J’aime beaucoup les couleurs et le dessin de Mako mais je n’accroche pas à son scénario. En fait, je suis assez flatté parce que tous les dessinateurs avec qui travaille Wilfrid sont bons, donc faisant parti du lot…
Quel accueil a été donné à Célestin ?
YC : La diffusion n’est pas la même par rapport à mes autres titres, il y a eu plus de communication autour de la part de Delcourt. Les libraires étaient donc au courant qu’il sortait. C’est un album beaucoup plus grand public que Voix Off, avec une histoire et un dessin beaucoup plus classiques dans la forme. C’est une aventure plus cinématographique. Concernant la presse, ça s’est bien passé tout comme l’accueil des gens, mais j’ai tendance à ne garder que le côté négatif.
Quel est ton personnage préféré ?
YC : Trissot, le révolutionnaire alcoolique !
Tu te retrouves en lui (rires) ?
YC : Non, je dirais qu’il s’agit plutôt de Wilfrid Lupano.
Est-ce que l’on a des chances de revoir Célestin par la suite ?
YC : On aimerait bien, Wilfrid a plein d’idées à ce sujet. J’ai bien accroché à cet univers, mais j’ai eu énormément de déception sur le premier tome au niveau des couleurs. Je me le suis bien fais reprocher d’ailleurs. Je ne pense pas que Delcourt soit super chaud pour un éventuel spin off, sauf si le tome 2 cartonne !
Quels ont été les problèmes rencontrés sur le premier tome ?
YC : Il y avait des problèmes d’impression et on a regardé un peu plus profondément ce qui s’était passé pour éviter que cela se reproduise. J’ai utilisé une nouvelle technique dont le traitement est plus doux. Sur le premier tome, mon encrage était fait à l’encre de Chine et au stylo bille, pour le second c’est du crayon de papier. Pour la mise en couleur, le premier se passait la nuit, donc mes couleurs étaient peu variées, dans le tome 2, on a essayé de différencier les séquences. Delcourt m’a envoyé plus de pages test sur le 2.
Wilfrid Lupano te donne-t-il une orientation particulière sur ce qu’il attend de voir sur chaque planche ?
YC : Oui, il effectue le découpage, avec le lieu et les dialogues. Ensuite, on effectue des allers retours entre nous afin que le résultat nous convienne à tous les deux.
Te laisse-t-il une marge de manœuvre sur le scénario ?
YC : Je ne me le permets pas, après il a pris mon compte mes observations. Toutes les idées c’est lui ! Il s’est vraiment penché sur le scénario, là où moi ce sont les détails que je creuse. J’ai mis beaucoup de clins d’œil dans les décors, les attitudes des personnages. On s’est bien marré sur le 2.
Tu n’as jamais écris ou eu envie d’écrire des scénarii ?
YC : J’ai essayé mais ça demande du temps, ce que je n’ai pas ! Mais c’est quelque chose qui m’intéresse vraiment… J’aime bien le côté documenté lorsque l’on écrit un scénario. Pour Célestin Gobe La Lune, j’ai regardé Marie Antoinette, Cartouche… Mes décors sont par contre très libres, je ne me suis pas vraiment documenté dessus. Après avoir travaillé avec Wilfrid, j’aimerais avoir le temps de m’y mettre, le jour où j’aurais confiance en moi, j’essaierais de me faire plaisir à ce niveau-là.
Est-ce que Célestin est le résultat d’une influence en particulier ?
YC : Oui, Fanfan la tulipe avec Gérard Philippe.
Retravailleras-tu avec Wilfrid Lupano par la suite ?
YC : En fait, on a déjà un nouveau projet, mais je ne peux pas te donner le nom tant que ce n’est pas signé ! Je suis un peu superstitieux. Ce sera un univers plus réaliste, c’est tout ce que je peux dire !
La série a été sélectionnée par le Gang des Talents, un collectif d’auteurs renommés, qu’en penses-tu ?
YC : Je ne connaissais pas et franchement c’est hyper encourageant. Je n’ai jamais rencontré une seule de ces personnes, seul Wilfrid connaît Jean-David Morvan. Quand on voit que tu as un prix et que c’est Loisel qui te le donne… C’est un petit coup de pouce pour le second qui sera, je l’espère, un peu plus lu. C’est flatteur.
Ta prochaine actualité est ton apparition dans le titre Mon chat à moi, chez Delcourt. Comment t’es-tu retrouvé sur ce projet ?
YC : C’est Thierry Joor qui me l’a proposé, il savait que j’aimais beaucoup les chats. Dans Célestin, il y a des chats dans tous les sens, il y a au moins une vingtaine de chats cachés.
Dessines-tu dans une ambiance ou cadre particulier (en musique, isolé…) ?
YC : Je travaille chez moi mais j’aimerais beaucoup travailler en atelier. Le souci est qu’à Annecy, il n’y pas beaucoup de dessinateurs. Pour le moment, je travaille donc tout seul sur une table à dessin et sur mon ordinateur. Sinon, je travaille en musique uniquement lorsque je fais de l’encrage, sinon silence.
Si tu avais une gomme magique pour corriger un détail ou une partie dans tes albums souhaiterais-tu l’utiliser ?
YC : Non, il y a tellement d’erreurs que je gommerais tout dans le premier ! Le second est meilleur dans le scénario et dans le dessin, donc non !
Y’a-t-il quelqu’un avec qui tu aimerais travailler ?
YC : J’aimerais bien travailler avec Fabien Vehlmann que je trouve très doué. Et Alan Moore. Et je rêverais de travailler une nouvelle fois avec Wilfrid Lupano et Nicolas Pothier !
Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d’un autre auteur de BD, qui irais-tu visiter ?
YC : Moebius (Jean Giraud) !
Si tu n’avais pas fait la BD, que serais-tu devenu ?
YC : Je ne sais pas trop, travailler dans la nature c’est bien !
Merci à toi !