L'histoire :
La Chenue est maintenant bien âgée et semble avoir perdu toute sa tête depuis la mort de son mari le Mâcheux. Pourtant, elle réfléchit silencieusement et rumine de sombres pensées. Il faut dire que depuis l’accident de son mari, qui est mort en tombant des escaliers, elle se sent bien seule. Heureusement, sa petite fille Caroline est de retour de Paris. Sa beauté et sa fraîcheur font plaisir à voir. Elle s’entiche du jeune Christophe Lorey, un garçon réservé et timide. Ils vivent le parfait amour de vacances, mais il se passe de drôles de choses dans le village. En effet, le père de Christophe, Louis, est furieux depuis quelques temps, puisqu’il reçoit régulièrement des lettres anonymes. Ces lettres sont des insultes à la famille et ne cessent de salir le nom des Lorey. Christophe est intrigué, d’autant qu’une des lettres le traite directement de vicieux et d’obsédé ! Inquiet, Christophe ne peut s’empêcher de tout raconter à Caroline. Cette dernière décide de mener l’enquête pour rassurer son amoureux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Didier Convard ressort ici un scénario de son placard, un de ceux qu’il a toujours voulu réaliser en livre. Il a confié le manuscrit à Jean-Blaise Djian et Sébastien Corbet pour qu’ils adaptent son histoire en BD. Tout paraît idyllique quand on observe de loin le quotidien des habitants et l’amourette que vivent Christophe et Caroline dans ce petit récit de campagne. Dijan présente une longue galerie de personnages, de simples hommes de la terre qui travaillent la vigne. Les deux familles de Christophe et de Caroline sont paysans de génération en génération. On assiste dès lors au rythme paisible des femmes qui préparent la cuisine, des petites vieilles qui épient les autres et des hommes qui font les travaux des champs. Pourtant, ce tableau est très vite terni par un secret très lourd qui pèse sur les deux familles. L’histoire bascule alors dans une sorte de cauchemar inquiétant : les hommes sont des rustres et peuvent utiliser la violence ; les femmes sont manipulatrices ; les vieilles colportent de sombres rumeurs. Convard avait imaginé qu’un terrible évènement déchire le village petit à petit… Le silence et la fierté des campagnards rend la haine plus ténébreuse et poignante. Le dessin est à l’image de cette ambiance très pesante. Sébastien Corbet offre un trait rond et vivant, avec des couleurs de Stéphane Heurteau douces et agréables. C’est parfois un vrai tableau bucolique, notamment lors des scènes de retrouvailles entre Christophe et Caroline. Pourtant, certains visages se font très vite inquiétants. Les gros plans peignent l’angoisse, la colère ou la soif de vengeance. Les rides des vieilles sont autant de cicatrices tragiques d’un passé enfoui. La haine défigure les traits et certains personnages deviennent quasi monstrueux face à une rivalité ancestrale entre deux familles. Au milieu de ce bourbier, seuls les deux amants apportent un peu d’espoir et de joie au récit. Cependant, tels Roméo et Juliette au milieu de la tourmente, les amoureux vont vivre un destin tragique. Comme la lettre retrouvée par la famille Lorey, Convard déterre un polar du terroir original et bien adapté… crévindiou !