L'histoire :
Benjamin Tartouche, 27 ans, est tout fiérot ce jour là, lorsqu’il appelle son vieux pote Phil installé au Canada. En effet, il s’est enfin installé à son compte, en illustrateur freelance, et il a hérité de la maison de sa tante, une demeure certes une peu vilaine, mais gigantesque ! Une fois raccroché, il sort, enfourche son vélo et part en ville. Au passage, il échange un regard troublé avec sa jolie voisine d’en face… Dans les locaux un peu tristes d’un assureur indépendant, il signe un contrat multirisque habitation, non sans quelques inquiétudes sur le sérieux de l’agence. Robert Trusquin, le directeur en personne, le rassure : l’assurance le couvre dès la remise de son premier chèque, qu’il signe dans la foulée. Le soir, benjamin bosse jusqu’à pas d’heure et s’endort. Il est brusquement réveillé par un pompier qui l’embarque sur son épaule. Quand il se reprend ses esprit à l’extérieur, il y a un attroupement et pour cause : sa maison flambe ! Les jours qui suivent ressemblent à un cauchemar : il n’a plus rien, tous ses papiers sont en cendre, il devient interdit bancaire et l’assureur – un escroc de la pire espèce – éternise le délai de la procédure de remboursement. Le voilà devenu un clochard. Au bout du rouleau, Benjamin se fait renverser par une voiture, celle de Trusquin, étourdit de s’être pris un râteau en tentant d’abuser de sa nouvelle stagiaire. Benjamin meurt et se réveille au purgatoire, parmi de nombreuses autres âmes errantes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec les 3 tomes de Purgatoire, parus entre 2003 et 2005, Christophe Chabouté imposait définitivement sa patte artistique originale et son grand talent, depuis jamais démentis. Ces 3 fois 62 planches en couleurs sont désormais réunies en une seule intégrale de petit format, renforçant une unité graphique appréciable. Cela commence presque comme une pièce de théâtre : la discussion téléphonique initiale permet de planter le contexte en 3 pages et tout se met en place avec un casting restreint de 4-5 protagonistes. Chabouté consacre alors un tome entier pour poser la problématique : au fond du trou, Tartouche meurt par accident. Le Purgatoire qui nous intéresse n’est alors exposé qu’au début du tome 2. L’imaginaire inconnu de l’autre côté de la mort a toujours inspiré les artistes. Les grincheux pourront certes reprocher à la présente trilogie ses stéréotypes narratifs farcis du dogme judéo-chrétien : dans ce purgatoire, si on veut prendre l’ascenseur qui mène au paradis (et éviter celui qui descend aux enfers), il faut réussir une mission de bienfaisance, sous la forme d’une bonne conscience, qui permette d’éponger les péchés. Ou encore son manichéisme : Trusquin est le plus abominable des abominables tandis que les péchés reprochés au gentil Benjamin sont méga soft. Voire encore sa morosité ambiante : le héros n’a aucune perspective réjouissante. Mais il faut reconnaître un grand équilibre narratif dans cette histoire idéalement rythmée, qu’on ne parvient pas à lâcher avant d’en avoir atteint le terme. De même, en marge de cadrages, d’encrages et d’une colorisation (ocre, grises, noires et sanguines) impeccables, l’emploi du noir et blanc pour distinguer les âmes errantes des vivants permet astucieusement d’éviter les (mauvais) effets de flou ou de transparence et de respecter une harmonie graphique rare. Particulièrement habile, le dénouement annihile d’un coup le pessimisme et parachève brillamment l’œuvre. Si vous étiez passé à côté au moment de la parution des albums originaux, jetez-vous sans hésiter sur cette intégrale, que le petit format ne restreint pas trop.