L'histoire :
Des conquistadors convaincus d’être les rois du royaume qu’ils viennent de conquérir, des voleurs qui traversent le territoire Jivaro, un engagé de force de la Marine Anglaise au XVIIIème siècle qui attend l’heure de se venger, un Coréen certain que la guerre apportera la liberté et le bonheur à sa famille, un couard, méprisé de tous, qui se révèle bien plus courageux que la plupart, un bataillon qui se soude pour sauver la vie d’un de ses soldats blessé au combat… autant de récits qui ne se terminent jamais comme on l’avait imaginé ou comme ses héros l’auraient espéré.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Je connais les « histoires courtes et à chutes » des EC Comics depuis mon adolescence. Je considère que ça reste, aujourd’hui encore, un régal dont on aurait tort de se priver, malgré les quelques 60 années qui nous séparent de leur création. La vision pleine d’humour « noir » de l’être humain qui y est développée (les héros très virils se croient toujours très malins ou supérieurs au reste de la création, et voient au final leur grandeur et leur cynisme leur revenir pleine face, généralement de façon très macabre), révèle une liberté d’expression qui n’a plus guère cours en ces temps de politiquement correct. Rien que pour ça, Two-Fisted Tales mérite qu’on se penche sur ses récits de guerre. En effet, la série, débutée sur l’envie de raconter des histoires d’aventuriers, a très vite été rattrapée par l’actualité des USA entrés en guerre en Corée en 1950. Et étonnamment, dans une Amérique retournée en guerre 5 ans à peine après le second conflit mondial, point de discours patriotique censé remonter le moral des troupes ou de la population. Tout au contraire. Ces mini-récits présentent la guerre (les guerres) dans toute leur horreur et leur immense stupidité, qui vient souvent conclure les récits tous écrits par Harvey Kurtzman (qui est à l’Amérique ce que Goscinny a été à la France avec Pilote). C’est peut-être là d’ailleurs la limite du présent recueil. Le sentiment que Kurtzman essaie non seulement de nous distraire (ce qu’il fait d’une très belle plume), mais aussi de faire passer un message, un unique « message » qui finit par plomber un peu l’ensemble en le faisant tourner un peu en rond. Car très vite, ce message, on l’a bien enregistré. Et voir l’auteur le ressasser sans cesse enlève un peu de cette fraîcheur qui était, dans les autres titres EC Comics, une marque de fabrique. Côté dessin, on retrouve l’équipe habituelle de dessinateurs EC : Wally Wood, Jack Davis, Severin et Elder, qui accompagnent de leurs réalismes expressifs et élégants, sans trop forcer leur talent, ces récits d’hommes en temps de crise, entre folie, exotisme et mort omniprésente. Quelques histoires sont même dessinées par Kurtzman lui-même, d’un trait étonnamment plus moderne, presque en décalage avec ses camarades… Une note de modernité pas toujours convaincante, et pourtant étrangement touchante dans sa maladresse et dans l’envie d’une grande plume de la BD américaine de donner vie à ses propres récits.