L'histoire :
Au Q'Mar, en 2009, Orlando, pris d'un coup de folie, a tué un peu tout le monde à l'aide d'un Heckler and Koch en pleine guerre. Résultat, les autorités ont décidé de le rapatrier le lendemain afin de le décorer, puisque pour elles Orlando a en fait survécu à un massacre...De retour à Londres, il loge au quartier de la Ligue des Gentlemen. Il y apprend qu'un certain Jack Nemo menace le Pakistan. Au QG, Orlando reçoit la visite de Prospero. Alors que le jugement dernier approche, il lui est rappelé la mission de la bande : empêcher la naissance d'un monstre et par conséquent l'apocalypse. En bref, trouver l'antéchrist, le Moonchild. Pour accomplir sa mission, il doit absolument retrouver Miss Mina Murray, sans qui il ne pourra mener à bien son entreprise. Ni une ni deux, il part à sa recherche dans les rues de Londres avant de tomber nez à nez avec un revenant, Allan Quatermain...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le génial barbu s'est-il perdu dans des délires mystico-religieux dans cette fin de trilogie? Pour tout dire, on aurait préféré, l'analyse aurait été plus simple. Mais Alan Moore, qu'on ne présente plus (Watchmen, From Hell, V pour Vendetta), a plus d'un tour dans son sac. Et sa grande force ici, encore une fois, c'est d'échapper à toute lecture définitive sur le pourquoi et le comment de son récit. Oui, sa traditionnelle vision de l'apocalypse innerve une fois de plus l'ensemble des planches, tout comme son désespoir - Quatermain qui veut se suicider- ,son dégoût de la société libérale incarnée par la figure de l'antéchrist, le Moonchild, monstre maléfique et imposteur de bas étage, ou encore son désenchantement visionnaire. C'est barré, dingue, et c'est justement cette complexité absconse ou féconde, parfaitement assumée, qui suscite l'intérêt...ou l'ennui. Car avouons-le, la symbolique nébuleuse ou hermétique nous échappe à première lecture, malgré la simplicité de l'intrigue (la traque du Moonchild, l'antéchrist, pour détourner l'apocalypse). Œuvre d'un génie ou esbroufe ? L'album est toujours d'une belle densité, les personnages plus profonds que jamais (voir Orlando le "queer psychotique", Quatermain le moribond) mais au détriment peut-être d'une certaine lisibilité. Jamais consensuel, toujours plus exigeant, radical ou sombre, 2009 donne finalement envie de relire le tout armé d'un autre regard. Si le Moore de l'arc Century est indéfinissable, c'est peut-être aussi que sa vision du monde n'a jamais été aussi torturée ou spirituelle, en tout cas proportionnelle au dégoût que lui inspire la société du spectacle permanent. Pour habiller la partition, O'Neil se révèle en forme olympique : psychédélique, fantastique, surréaliste, son esthétique chaotique chargée d'horreur et de souffrance, souligne l’omniprésence d'une mort latente au coeur d'un royaume décadent. Puissant. Apocalypse ou pas, reste un profond récit d'aventure en forme de brûlot politique et social, certes confus mais toujours lucide. Après soyons clairs, malgré une légère déception, un Moore un peu en deçà parvient sans mal à se hisser au-dessus de la mêlée des sorties actuelles. Sauf qu'avec lui, on attend toujours le prochain chef d’œuvre du 9ème art. Pas moins. Bref, cette deuxième saison de la Ligue risque bien, encore une fois, de diviser critique, fans et public. Finalement, c'est là peut-être un signe rassurant de la capacité de Moore, sans illusions ici, à pondre encore des récits intellectuellement solides, à rebours de tous les canons ambiants. "Après nous, le déluge". Ou Alan Moore, peut-être...