L'histoire :
En 1971, Glenn, 13 ans, redouble sa cinquième et donne du fil à retordre à ses parents, qui décident de l'envoyer dans un pensionnat du New Jersey : celui du manoir de Chartwell, façon tradition anglaise. Ce manoir isolé est dirigé par Terence Michael Lynch, un expatrié anglais, quadra à lunettes un peu fort qui va vite s'avérer un terrible prédateur sexuel, adorant corriger les enfants, avec fessées pantalon baissé, puis attouchements lors d'embrassades pour se faire pardonner, voire davantage avec les plus jeunes qu'il rejoint dans leur lit. Glenn va subir comme les autres et jamais ne pourra en parler franchement avec ses parents. Sa vie en pâtira grandement, s'engluant dans les milieux interlopes : alcool, drogue et pornographie, avant d'arriver quelque peu à surnager..
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Glenn Head a commencé à s’intéresser aux comics underground lors de son passage au pensionnat en 1971 et, fan de cette culture, il a rapidement produit des dessins, l'amenant à publier son premier fanzine, Bad News, en 1983. Il a rejoint son idole Robert Crumb dans Weirdo #25 en 1988, et a édité et dessiné Hot Wire comics, Snake Eyes, Guttersnipe comics, Zéro Zero... chez Fantagraphics, avec d'autres collègues, tout en publiant dans de nombreux grands titres nationaux tels le New York Times, Playboy, Pulse magazine, Entertainment Weekly, Nickelodeon magazine...Deux de ses fanzines, Snake Eyes et Hot Wire comics ont été nominés pour un Harvey Award et un Eisner Award, respectivement en 1992 et 2007. Ce projet racontant son histoire au manoir de Chartwell s'est imposé à lui telle une obligation vis à vis de ses proches connaissant son histoire et pour lui, comme une thérapie afin d'exorciser ce qui a été à l'évidence un traumatisme, le conduisant à mener une vie dissolue durant prêt de quarante ans. Afin de ne pas dévoiler l'intégralité de l'histoire, on s'attardera sur le style de l'auteur, que l'on appréciera de pouvoir rapprocher logiquement de celui de Peter Bagge et Joe Matt au premier abord, car graphiquement, Glenn Head possède un encrage tout en souplesse, qui évoque autant Howard Cruse (Un Monde de différence, Vertige graphic 2001) et de Kaz (Terrain vague, 2 titres chez Cornélius en 2001 et 2004), d'ailleurs un de ses potes est le scénariste de Snake Eyes. Son dessin, malgré certaines pages volontairement psychédéliques « pour le fun », afin de bien encrer et affirmer son attachement à cette culture (Through the Past, Darkly), et une systématisation des détails au fur et à mesure de l'avancée vers la conclusion - et surtout les pérégrinations de l'auteur au milieu des quidams, dans la rue - Glenn Head le laisse lisible, tout du long. Cela lui offre un statut d'auteur particulièrement recommandable, ne pêchant pas par excès de trash. Le fait qu'il conduit un récit tout en introspection avec un final tip-top laisse un goût de reviens-y, même si l’on ne se fera pas trop d'illusions sur une éventuelle autre traduction. Un seul mauvais point : la couverture, pas du tout dans l'esprit des comics underground et peu évocatrice du contenu.