L'histoire :
Nick et Mélody forment un couple presque ordinaire. Chacun cherche un travail mais sans succès. Puis Nick propose à Mélody de danser un bar. Celle-ci accepte sans trop savoir où elle met les pieds. Et pour cause, elle n'a aucune expérience. Aucun souci, lui répond Nick. Si tu n'aimes pas, tu arrêtes. Mélody va alors acheter un costume pour se présenter à son audition. Le patron du bar la reçoit : il la trouve si naïve qu'il aimerait en profiter. Elle doit d'abord se déshabiller devant lui et s'essayer à quelques pas. Après quelques instants, le patron décide de la prendre à l'essai. Maladroite, inexpérimentée, Mélody tâtonne dans son nouveau métier avant d'y prendre du plaisir. Nick, son petit ami, est quant à lui un petit truand sans envergure qui profite de la naïveté de Mélody. Il vit à ses crochets quand il ne vend pas de la drogue coupée avec de la farine ou tente de coucher avec toutes les filles qu'il croise...Mais Mélody l'aime et ne compte pas s'en séparer, tout comme un métier dont elle se satisfait, faute d'autre chose...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le livre vaut avant tout par sa place dans l'histoire de la BD outre-atlantique. Au début des années 1980, l'autobiographie en BD n'existe pas (ou à peine) en Amérique du Nord. Mais Sylvie Rancourt, danseuse nue dans un bar à strip-tease, décide de raconter sa vie à ses premiers lecteurs, les clients des lieux : le barzine était né ! Face au succès de ces petits fascicules, l'auteure poursuivit l'aventure en auto-éditant des numéros diffusés en kiosque. L'édition devint ensuite plus pro, moins confidentielle, installant les histoires de Rancourt dans l'histoire de la BD. On le sent, Rancourt ne sait guère où elle va dans son récit. Juste l'envie de (se) raconter en abordant la partie la plus intime et publique de son existence à travers un sujet a priori sulfureux mais rendu presque anodin sous son crayon. C'est bien une naïveté désarmante qui séduit tout au long de ces 350 pages, moins dans le graphisme d'ailleurs que dans le ton. Innocente voire ingénue, agaçante et touchante, et même complètement libérée quand il s'agit de prendre du plaisir, Sylvie Rancourt dépeint et découvre le métier avec naïveté, s'enthousiasme parfois, se fait avoir aussi par son petit ami et entretient des relations "normales" avec sa famille. Sans racolage ou voyeurisme mais avec pudeur et sincérité, l'auteure se dévoile et nous embarque dans sa petite vie truffée d'anecdotes. Le dessin, très lisible et naïf mais complètement amateur, pourra surprendre par son côté enfantin. Et contre toute attente, participe même du charme désuet de l’œuvre. L'immense Chris Ware, qui affirme que c'est là "l'un des plus purs exemples de BD qu'il lui ait été donné de voir", résume bien le sentiment qui s'empare du lecteur : on ressent ces pages comme on ressentirait Peanuts. Il dit même qu'y figurent certaines de ses pages préférées en BD. C'est dire... (voir à ce titre l'intéressante préface de Bernard Joubert). Bref, un petit bout de patrimoine à (re)découvrir.