L'histoire :
Accoudé au comptoir d'un restaurant, un client hésitant se fait conseiller la carte par une serveuse attentionnée, quand soudain la terre se met à trembler. Se précipitant à l’extérieur, ils découvrent étendu au milieu de gravats un héros masqué qui peine à se relever. Il s'agit du célèbre Blue-bolt, membre éminent de la fameuse équipe de super-héros baptisée «Jupiter's circle». Tout en récupérant sa torche de puissance retrouvée non loin par un gamin assurément fan du justicier, le héros leur conseille d'évacuer le plus rapidement possible vers le nord afin d'échapper à la créature qu'il est en train de combattre. Cette dernière a la terrible capacité de prendre le contrôle mental des personnes passant à proximité... En un rien de temps, il s’élève dans le ciel, bien décidé à remporter un combat qui semble déjà épique. Assis au bord d'un lit, un homme allume une cigarette tout en discutant avec son amant allongé lascivement dans son dos. Leur rencontre semble récente et le fait d'un ami en commun. Tout en se rapprochant, il lui adresse un tendre baiser dans le cou et l'interroge sur le domaine dans lequel il travaille. Perdu dans ses pensées, il n'ose répondre...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Depuis plus de vingt ans, Mark Millar dynamite et révolutionne le monde du comics avec des titres incontournables, désormais au panthéon de la BD mondiale. Son génie réside à la fois dans son incroyable capacité à déconstruire méthodiquement les codes narratifs souvent sclérosés du comics mainstream et d'insuffler à ses histoires un vent de fraicheur irrévérencieux et jubilatoire. Il prend un malin plaisir à réinterpréter la mythologie super-héroique à sa façon et c'est ce qu'il fait à nouveau avec Jupiter's Circle. On reconnaitra clairement l'analogie faite avec la Justice League de DC comics, chaque personnage étant un double déformé de la célèbre équipe de justiciers. Mais ce qui intéresse vraiment le scénariste, ce n'est pas l'exposition spectaculaire des pouvoirs mais au contraire les failles et faiblesses intrinsèques qui traversent ses personnages. Il leur insuffle ainsi un supplément d’âme qui renforce leur humanité et aussi la proximité avec le lecteur. Ce ne sont plus des divinités inaccessibles mais bien au contraire des êtres débordant de vie, d'émotions et d'amour. En cela, ils ne sont pas asexués comme bon nombre de personnages de fiction, car le sexe tient ici une place centrale. Ainsi, bon nombre de décisions prises sont consécutives à des histoires liées à la sexualité des héros. Comme il l'avait déjà développé dans son chef d’œuvre The Authority, Mark Millar traite notamment de la question de l'homosexualité au sein de la communauté des super-héros et nous montre à voir la société telle qu'elle est dans sa diversité. Les super-héros tombent amoureux, trompent leur femme, jalousent leurs coéquipiers et discutent avec la clope au coin des lèvres. Rarement dans un comics, la question du sentiment amoureux n'avait été traité avec une telle justesse et une infinie délicatesse, certains passages étant particulièrement émouvants. En transposant l'intrigue au début des années soixante, Millar joue aussi de la dichotomie évidente entre l’atmosphère puritaine et policée de l'époque et la vie débridée de ses personnages. Le dessin épuré et très ligne claire rajoute à cette ambiance classieuse qui correspond parfaitement à l'époque. Jupiter's Circle est aussi un délice de divertissement construit autour de scènes d'actions rythmées à la perfection et servi par des dialogues savoureux. Le lecteur est sans cesse bluffé par l'intrigue tissée de manière millimétrée par le maitre orfèvre écossais. Millar réussit donc le tour de force de nous divertir tout en touchant au plus profond de l’âme du lecteur? grâce a des personnages qui ne sont pas de simples marionnettes binaires, mais des êtres débordant d'une profonde énergie vitale. Pour reprendre la célèbre phrase d'Oscar Wilde, «vivre est la chose la plus rare, la plupart des gens se contente d'exister» !
