L'histoire :
Holden Carver trempe dans de sales draps depuis que son supérieur hiérarchique s’est fait flinguer. John Lynch l’a certes manipulé, ce qui explique aussi qu’il était le seul à savoir que son agent dormant était bien en mission, mais au moins, il le couvrait. En effet, depuis plusieurs mois, Carver a infiltré une organisation terroriste dirigée de main de fer par Tao, un post-humain doté de pouvoirs psys capables de transformer en compote le cerveau de n’importe qui… Lynch n’est pas encore mort, mais le dernier cadeau empoisonné qu’il a fait à son agent a été de dissimuler cette mission à sa propre agence gouvernementale. Carver se retrouve ainsi dans un étau : d’un côté ses anciens collègues pensent qu’il est passé de l’autre côté. De l’autre, Tao commence à flairer la taupe. Chaque jour est un calvaire, chaque mission un crève-cœur, quand on est obligé de faire les basses besognes, y compris effacer des gars de l’agence. Dans ses barouds sanglants, Carver s’accroche à une lueur d’espoir que lui amène Miss Misery, une proche collaboratrice de Tao à la libido totalement débridée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier tome faisait déjà dans le costaud… Cette suite place la barre encore plus haut ! La trame, assez classique, du récit d’espionnage, est certes enrichie par un soupçon d’anticipation, avec l’ère des post-humains dotés de superpouvoirs. Mais c’est bien la narration et les dialogues qui lui amènent toute sa force. On évolue dans l’univers Wildstorm, mais il n’est absolument pas nécessaire d’y être familiarisé pour s’immerger dans l’histoire de ce double agent, dont la psychologie se fragilise à l’aune de son isolement. Si l’expression « avoir le cul entre deux chaises » devait trouver son illustration dans une intrigue façon polar, celle-ci en serait le symbole. Pour Carver, il n’y a plus de bons ou de mauvais, juste une somme de menaces… Ed Brubaker et son complice Sean Phillips (Incognito, Criminal) délivrent ainsi un développement magistral, qui plombe le lecteur à son tour asphyxié par la paranoïa qui envahit légitimement Carver. Chose appréciable : la relation amoureuse et torturée qu’il entretient avec Gretchen, dite Miss Misery, permet aussi de lui conférer un humanisme qui menace d’être réduit à néant, tant il subit de pressions. Avec ce tome, cette série qui est en réalité un spin-off de Point Blank (Sleeper 1, édité par Semic en 2004) marque les esprits et se détache largement de la plupart des productions. Ajoutez l’art de la couleur de Tony Aviña et on approche le carton plein !