L'histoire :
Une analyse d'une des périodes les plus sombre de l'Histoire américaine : la Grande Dépression et ce à travers la vie des Américains de toutes classes sociales. On suit le parcours d'un de ces américains en la personne de Wendell Wilkie, un entrepreneur dans le domaine de l'énergie et qui va vivre et raconter ce qu'a vécu l'Amérique et comment les politiciens élus ont fait pour tenter d'en finir avec cette crise.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La lecture de ce Forgotten Man n'est pas une chose aisée, d'une part parce que le sujet abordé (celui de la Grande Dépression américaine des années Trente) est dense et complexe mais aussi parce que l'ouvrage même est non seulement difficile à suivre mais présente aussi un parti pris évident. En soit, ce n'est pas un problème, il est au contraire intéressant d'opposer les points de vue, de ré-analyser l'histoire et de proposer sa propre analyse. Ce qui est plus dérangeant, c'est de le faire de la manière dont le propose l'ouvrage. Amity Shlaes, l'auteur de l'essai éponyme The Forgotten Man dont est tiré ce roman graphique, est une égérie des conservateurs américains et notamment du courant libertaire, très en vogue chez les conservateurs actuellement (The Forgotten Man est notamment un des livres de chevet de l'actuel vice-président américain, Mike Pence. Ayn Rand (sainte patronne des libertaires américains et Capitaliste absolue) fait une apparition alors que l'ouvrage se termine avant qu'elle n'ait écrit son premier ouvrage d'importance (The Fountainhead). L'objet de The Forgotten Man est... Eh bien c'est difficile de mettre le doigt dessus. On passe sans cesse d'un personnage à un autre (au point qu'il devient vite difficile de les distinguer – une galerie est disponible en fin d'ouvrage et évitera quelques migraines) et on regarde se dérouler non pas la Grande Dépression mais, essentiellement, comment F. D. Roosevelt et son New Deal vont échouer à la juguler. Enfin, si. La Dépression va être jugulée. Mais pas grâce au New Deal. Ou plutôt oui, mais ça aurait été mieux sans. Allez comprendre. Les démocrates et notamment Roosevelt sont représentés en silhouettes, rigolards et limite clownesques, et les grandes décisions sont prises au petit-bonheur-la-chance. On ne sait pas ce qu'on fait, quand on est démocrate. Les républicains, eux, sont virils (Willkie ressemble plus à Clark Kent qu'au personnage historique qu'il est censé représenter), solennels, entrepreneurs et savent qu'avec une Bible et du bon sens, l'Amérique se relèvera, tout ça, tout ça. Même le bon vieux Milton Keynes vient faire coucou pour s'amuser de Roosevelt (même si le fond du message Keynésien est que Roosevelt aurait dû en faire plus en termes de régulations). Et l'auteur de chercher à tirer les larmes avec notamment l'affaire des Frères Schechter, des volaillers new-yorkais qui allèrent jusqu'à la Cour Suprême pour finalement faire valoir leurs droits quand ils furent mis à mal par les réglementations mises en place par le New Deal. Et l'auteur de nous servir les histoires tragiques de William Troeller (dont on se demande ce qu'il vient faire là) ou des frères Schechter, honnêtes petits artisans new-yorkais. Que les frères Schechter aient été à la tête d'une des plus grosses entreprises new-yorkaises et non d'un simple étal comme cela est suggéré ici ou bien qu'ils aient été poursuivis au nom de plus d'une cinquantaine d'infractions et non parce qu'un client avait choisi son poulet sous les yeux d'un agent de l'état aux faux airs d'Helgast, on s'en fiche. Ce qui compte tout au long de l'ouvrage, c'est de montrer que les petites gens souffraient, que Roosevelt se débattait et que, donc, les républicains auraient pu mieux faire en laissant faire la fameuse « main invisible du marché » (même si elle avait mis tout le monde dans le bouillon pour commencer). On est quand même obligé de montrer un chômage divisé par deux par Roosevelt et la réélection triomphale de ce dernier, qui demeure inexpliquée tant il paraît être un incapable mais ce sont là deux faits avérés et référencés, une denrée assez rare dans le livre. En résumé, The Forgotten Man n'est pas inintéressant en soi mais sa lecture nécessite une connaissance déjà solide de l'Histoire américaine du XXe siècle tant les faits présentés sont choisis, légèrement déformés et représentatifs d'une certaine idéologie. D'ailleurs, les dossiers presse américains ne s'en cachent pas : le livre présente comment le New Deal a prolongé la Grande Dépression. On ne saura jamais pourquoi elle aurait été plus courte sans mais, bon. Le passage au format du roman graphique ne s'est pas fait sans douleur et la lecture en est souvent confuse, la faute à une pléthore de personnages et à un séquencement peu évident de l'histoire en des lieux et moments soigneusement choisis pour illustrer son propos. Pour un public curieux et déjà bien renseigné, donc, et à lire pour éventuellement mieux connaître un point de vue que pour connaître l'Histoire dont l'œuvre se revendique.