L'histoire :
En 1997, l’Angleterre est devenue un Etat totalitaire, à la suite d’une guerre nucléaire. L’ordre et l’oppression y règnent en maîtres. Les camps de répression sont là pour « éduquer » le peuple et l’ombre de Big Brother plane sur la capitale. Les libertés individuelles n’existent plus. Rapidement, des attentats perpétrés contre les symboles du pouvoir vont fissurer cet ordre. Caché derrière un masque affichant un sourire narquois, V en est l’auteur. Son identité est floue : à la fois cruel et romantique, V brille par ses ruses, son intelligence mais aussi par son absence de morale. Cristallisant l’arbitraire du pouvoir et la violence aveugle, V apparaît comme la réponse à cette société et le reflet de ce qu’elle est devenue. Nourri d’une culture encyclopédique disparue (puisque interdite par la propagande), épris de littérature, d’art et de musique, V s’attaque à l’autorité, animé par la haine et une sourde colère. En détruisant, V cherche à enfanter une nouvelle société et à retrouver l’essence même de la liberté et de la justice. Pour l’aider dans sa tâche, le vengeur masqué va sauver et recueillir une jeune fille, Evey, alors sur le point d’être violée par des membres de la police…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Est-ce un hasard si V pour Vendetta a obtenu le prix du meilleur album étranger au festival d’Angoulême en 1990 ? Ne soyons pas frileux devant les superlatifs, V est un chef d’œuvre. La narration brille par sa lucidité, sa précision et sa profondeur. L’auteur nous met en garde face aux terribles dangers des états totalitaires, nous proposant une redécouverte des notions de liberté, de justice, dans une société déshumanisée où le divertissement n’est qu’une propagande déguisée et l'exploitation des peurs la condition de l'aliénation. Alan Moore soulève des questions morales de fond en nous laissant libres de nos réponses : V symbolise la quête pour la liberté, mais il utilise des moyens douteux (les attentats). Dès lors, peut-on faire à autrui ce que nous lui reprochons, et la fin, aussi légitime soit-elle, justifie-t-elle les moyens ? Notre sentiment à l’égard de V oscille entre dégoût et fascination, dans la mesure où il se révèle tantôt fou à lier, tantôt parfaitement lucide. V n’est pourtant pas moins fou que l’Etat dans lequel il vit. Anarchiste, il incarne parfaitement la tendance des sociétés totalitaires à semer les germes de leur propre destruction. A l’analyse morale et politique s’ajoute un récit rythmé et prenant. A propos de V, le lecteur brûle de connaître sa véritable identité et le sort final réservé à son action. En outre, le dessin de David Lloyd, souvent critiqué, est pourtant à la hauteur du scénario. La sobriété du trait, en appuyant la subtilité du récit, est au service de la réflexion générale. Attention, ne nous trompons pas : V incarne moins un personnage qu’un idéal. Il nous propose des valeurs et un horizon dans un monde désenchanté. Alors V pour Virtuosité et V pour Vigilance…Un récit terriblement actuel.