Aleksi Briclot est sûrement l'un des artistes français les plus impressionnants. Qui n'a jamais vu ses dessins ultra réalistes, cosmiques, puissants et épiques n'a jamais vraiment vu l'art véritable. Chacune de ses productions est une explosion visuelle, une expérience en soi qui marque les esprits et il se place naturellement à côté des plus grands dessinateurs comme Frank Frazetta et Marko Djurdjevic. Briclot multiplie sans arrêt les projets et enchaîne les travaux différents passant par tous les genres et les supports. Le voici de retour avec un nouvel art book encore plus volumineux, plus riche en contenus et plus beau que le précédent et ça tombe très bien puisque beau, ça rime avec Briclot !
Pour financer la nouvelle monographie d'Aleksi Briclot, tout se passe ici :
https://www.kickstarter.com/projects/huginnetmuninn/multiverse-the-art-of-aleksi-briclot/
interview Bande dessinée
Aleksi Briclot
Réalisée en lien avec l'album Aleksi Briclot
Bonjour Aleksi. Pour les lecteurs qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu te présenter rapidement ?
Aleksi Briclot : Bonjour ! Pour faire court, je créé des images ou plus précisément je raconte des histoires en images. Je suis illustrateur, je fais également de la bédé, du comics, de la direction artistique et du concept Art pour le jeu vidéo (j’ai notamment fondé le studio Dontnod Entertainment) et je suis également Concept Artist pour le cinéma où là, je travaille avec l’équipe clé de Marvel Studio depuis 6 ans maintenant sur les grosses productions.
Tu as démarré ta carrière par le comics : (Alone in the Dark puis Spawn) et non par la bande dessinée franco-belge. Pourquoi ?
AB : Pas tout à fait : avant de plancher sur quelques comics, j’ai travaillé plusieurs années dans différents studios de développement de jeux vidéo et surtout j’ai réalisé un très grand nombre d'illustrations pour des livres, des jeux de rôle et des jeux. Ça a été une très bonne école. Même si j’ai toujours adoré le média BD, ça n’a pas été exactement mes débuts. J’avais pu placer quelques rares pages ici et là, notamment sur Alone In the Dark : une très bonne occasion d’apprendre à la dure. J’ai dû remplacer un dessinateur en urgence pour 34 pages à réaliser dans un délai très court. Là c’est Thierry Mornet, éditeur incontournable chez Delcourt, qui m’a proposé le job en me faisant confiance. C’est également lui qui avait initié le premier projet Spawn. J’ai également fait quelques incartades dans la bédé franco-belge (Légendes de la Table Ronde) et même si j’aime les deux supports, je dois avouer que j’ai peut-être plus d’affection pour le format anglo-saxon. Pas forcément côté contenu, mais ça c’est une autre histoire…
Tu es un touche-à-tout dans de nombreux univers. Quel genre te plait le plus quand tu dessines ?
AB : Plutôt que genre à proprement parler, c'est la nature du projet, la latitude que j’ai, l’intensité de celui-ci qui vont participer à mon degré d’implication. Bien sûr, j’ai produit des tonnes d’illustrations à caractère fantastique et c’est un genre que j’affectionne mais, et surtout avec le temps, mes goûts et mes envies ont évolué. Par exemple, mon énorme projet bédé actuel traite du deuil sans aucun élément fantastique ni horrifique. Inspiré de faits réels, ça a nécessité un gros travail d’écriture que j’adore, tout en subtilité, psychologie humaine et émotions.
Quel terme te qualifierait le mieux : illustrateur ? Créateur ? Dessinateur ? Peintre ? Autre ?
AB : Je ne suis pas très fan des étiquettes, qui, si elles facilitent une compréhension et une assimilation, elles s’avèrent aussi très réductrices. Si j'avais à choisir je dirais peut être “artiste” ou “auteur”, pour la dimension très large et éclectique que ça évoque.
Ton style est très reconnaissable avec des illustrations impressionnantes et une mise en couleurs très soignée. Parle nous de ton travail en dessin assisté par ordinateur.
AB : Je commence très souvent mon travail de conception pour le cinéma notamment dans des petits carnets, en crobardant et en prenant des notes. L’outil digital qui arrive très vite ensuite, ça reste un outil justement. Un outil extrêmement efficace et quasi incontournable maintenant en production. Si j’avais à réaliser des visuels à l’huile, à l’acrylique ou à l'aquarelle, jamais je ne pourrais arriver à des rendus similaires en richesse d’informations dans les mêmes délais. Il n’y a plus également de phase de photographies ou scan des peintures : en fin de journée, j’enregistre et je peux envoyer mes fichiers tout de suite… Il ne faut pas oublier, comme je disais, que je travaille dans une industrie et que les délais et dates de rendu y ont une place extrêmement importante.
Tu donnes même des cours à ce sujet ?
AB : J'ai été invité à pas mal de workshops internationaux où le fait de côtoyer d’autres artistes est super inspirant en plus de l’idée de transmission à d’autres. Du coup je ne donne pas de cours réellement mais ça peut m’arriver à l’occasion de tenir des Master classes, de venir partager sur des workshop ou dans certaines écoles. Ma prochaine Master class traitera de mon travail pour le jeu de cartes à collectionner Magic: The Gathering et aura lieu au musée de la carte à jouer d’Issy les Moulineaux le samedi 1er avril pour ceux que ça intéresse.
Ton style graphique a-t-il évolué ? Essaies-tu d’autres pratiques ou techniques ?
AB : Je pense que c’est visible dans mon travail à travers le temps et selon mes commandes… j’espère en tout cas ! J’essaye souvent d’adapter le style en fonction du projet, c’est-à-dire de développer une patte particulière qui collerait le mieux à la transmission de l’idée. C’est un petit challenge supplémentaire mais que ce soit en rapport avec ma curiosité personnelle, le besoin d’apprendre, d’évoluer et pour le petit défi, ça me semble un réel plus. Par exemple, pour la série de couvertures que j’ai réalisée pour Stranger Things ou Star Wars, j’ai essayé d’émuler le style de ces vieilles affiches ciné peintes à la main. Pour un projet de jeu de rôle appelé Vermine 2047, je suis revenu au style traditionnel en travaillant avec une petite touche pour justement coller à cette notion de masse grouillante avec de toutes petites hachures minutieuses…
Tu dessines pour de nombreux jeux : jeu vidéo, jeu de rôle, jeu de cartes. Es-tu toi-même joueur ? Comment fais-tu pour t’immerger dans ces différents univers ?
AB : Je ne suis pas un très grand joueur mais je pratique pas mal de jeux vidéo. Un mélange de recherche et de mises à jour pour rester à l’affût de ce qui se fait et tout simplement en tant que consommateur, pour le plaisir. Chaque projet a ses spécificités et aussi une durée de développement spécifique, en général lié au budget, c’est mathématiques. Pour m’immerger dans un projet je vais d’abord agréger toutes les informations qui me sont données par le client où lister tous les grands axes de recherche que nécessite la thématique du projet. Je lis, je creuse, je récupère des images. Je prends des notes que je mets en forme dans une Mind Map. C’est en général la première phase, toujours très passionnante, où l’on peut apprendre pas mal de choses. C’est une partie par exemple du travail de Concept Artist que j’aime beaucoup : creuser un sujet, découvrir et apprendre derrière.
Tu as également participé à la création de figurines. Es-tu le Mc Farlane français ? Peux-tu nous raconter cette expérience ?
AB : J’ai quelques personnages que j’ai créés pour différents supports qui ont été interprétés en figurine et c’est super plaisant ! Par exemple, les Planeswalkers que j’ai créés pour Magic sont sortis en figurines pop ! Un autre perso à l’époque est justement sorti en figurine chez MacFarlane. Il y a eu aussi un gros projet autour d’une création personnelle : c’était l’interprétation en 3D du personnage de la couverture de mon précédent artbook. C’est toujours super excitant de voir une création 2d prendre vie en volume. Ce serait d’ailleurs génial que le personnage de ma monographie à sortir ait le même traitement : sa propre statuette !
Tu réalises également régulièrement de nombreuses couvertures pour des comics et des romans ou des affiches. Comment choisis-tu ces projets ?
AB : Ça dépend de différents paramètres : la date de rendu, mon emploi du temps, le budget et le sujet, si ça m’inspire, m’excite et si je vois que je peux créer une image intéressante et me faire plaisir. Voire, comme j’en parlais plus haut, si ça peut me permettre d’explorer quelque chose… Mais cela dit, depuis quelques années, je n’en fais quasiment plus. Pour la bonne raison que j’ai un travail à plein temps qui me suffit déjà amplement- Concept Artist pour les productions Marvel Studios ça fait déjà beaucoup- et surtout j’ai déjà pas mal de projets à côté, comme ce nouvel art book et également un projet de BD qui me tient énormément à cœur. J’en suis à la moitié mais le volume est énorme. La vie est courte, il faut choisir ses batailles !
Parmi toutes ces très nombreuses activités, laquelle préfères-tu faire ? Pourquoi ?
AB : Katsuhiro Otomo, le créateur de Akira racontait que quand il travaillait sur son manga, il n’avait qu’un seul rêve: travailler sur l’adaptation cinématographique animée. Et quand il s’est retrouvé aux manettes du projet animé, il n’avait plus qu’une envie, c’était de revenir à sa planche à dessin. Pour ma part ce n’est pas une histoire d’insatisfaction mais j’aime bien l’énergie de nouveaux projets, l’excitation de s’investir dans quelque chose de spécial… Et pour revenir à ta question, il y a peut-être une facette que je n’ai pas encore pu réellement beaucoup montrer mais que je développe assidûment et très sérieusement depuis quelques années, c’est l’écriture de scénario. Et ça, ça me passionne complètement : travailler sur la structure du récit, le sens, le message, la psychologie des personnages, les oppositions, le rythme… C’est définitivement quelque chose que je creuse de plus en plus.
Te reverra-t-on un jour sur une bande dessinée ou un comics ?
AB : Eh bien oui c’est certain ! Comme je le disais plus haut, je travaille sur mon propre projet depuis déjà un sacré moment. C’est un projet intense sur lequel j’ai justement fourbi mes armes de scénariste. Énormément de recherche (c’est tiré d’une histoire vraie) et un gros travail d’absorption et d’interprétation. La thématique centrale que j’ai dégagée, c’est le deuil et le rapport à nos racines que cela évoque… C’est un gros projet de 106 pages. J’en ai réalisé la moitié et je continue à y travailler comme un projet au long court. Mais il va me falloir encore pas mal de temps pour en arriver à bout !
Un nouveau projet est en cours sur kickstarter : Multiverse, the art of Aleksi Briclot. Raconte nous tout à ce sujet et pourquoi ce titre ?
AB : Alors là c’est mon actualité : une nouvelle monographie de presque 300 pages de mes travaux, qui présente le meilleur de ce que j’ai pu produire jusqu’à maintenant avec pas mal de pièces de ces 13 dernières années, j’espère les plus intéressantes. Il y aura des illustrations, des croquis, des recherches, des concept arts… Il y aura aussi du rédactionnel, des anecdotes et des petites réflexions que je partage, une longue interview fleuve où je raconte également beaucoup de choses. Le livre sera divisé en quatre grands chapitres : un concernant mes travaux pour le cinéma et l’audiovisuel ; un autre concernant ce que j’ai fait pour des jeux, jeux de rôle, jeux de plateau ; un troisième concernant mon travail sur des livres, livres illustrés, couvertures et bande dessinées et un dernier chapitre un peu plus fourre-tout avec des travaux plus personnels ou inhabituels de ma part que je suis super content de partager. Il y a une dimension émotionnelle pour moi à travailler sur ce livre : c’est une sorte de mise au point et mise à jour de tout ce que j’ai fait et produit jusqu’à maintenant. Avec toutes les histoires et aventures humaines qui s’y rattachent forcément. Intense… A l’heure où je réponds à tes questions, le financement est réalisé mais la campagne continue et on espère bien atteindre d’autres paliers qui nous permettront d’ajouter du contenu supplémentaire qualitatif au projet. Pour ceux que ça intéresse, rejoignez l’aventure ici :
https://www.kickstarter.com/projects/huginnetmuninn/multiverse-the-art-of-aleksi-briclot/
Sortira-t-il ensuite en librairie après ce projet de financement?
AB : Le livre sera effectivement commercialisé en France en fin d’année 2023, mais sans le coffret, qui est exclusif à la campagne de financement participatif. Toutes les personnes ayant souscrit au Kickstarter recevront leur ouvrage avant la sortie du livre en librairie.
Merci Aleksi !