Atsushi Ohkubo, l’auteur du gros carton de l’année 2009 chez Kurokawa, Soul Eater, dont chaque volume est tiré à plus de 60 000 exemplaires, était à Paris lors du Salon du Livre. Nous l’y avons rencontré.
interview Manga
Atsushi Ohkubo
Comment êtes-vous devenue mangaka ?
Atsushi Ohkubo : J’ai été assistant de Rando Ayamine pendant deux ans sur la série Get Backers, qui était publiée dans le Shônen Magazine, et j’ai profité de cette période pour écrire une histoire à moi que j’ai envoyé à un concours de Square Enix pour le magazine Shônen Gangan et j’ai gagné le premier prix. C’est comme ça que j’ai été publié et que je suis devenu dessinateur.
Comment est née l’idée de la série Soul Eater ?
Atsushi Ohkubo : Je suis parti du principe qu’il n’y avait pas que des garçons qui lisaient du shônen (manga pour jeunes hommes) et je me suis dit que ce serait bien de faire un manga shônen dont le personnage principal serait une fille. Graphiquement, j’étais très intéressé par l’idée d’avoir une fille qui serait complètement déséquilibrée au niveau de son apparence car elle manierait une arme gigantesque qui serait une faux. A partir de là, j’ai construit un univers tout autour pour donner Soul Eater.
L’héroïne et sa faux démesurée. Ex-libris à tirage limité édités pour la venue en France de l’auteur
Atsushi Ohkubo : Je pense que les défauts font partie du charme de quelqu’un donc j’ai vraiment voulu mettre l’accent sur les défauts de mes personnages. Bien entendu, j’ai beaucoup grossi le trait : comme c’est un manga qui est beaucoup lu par les plus jeunes, il fallait que ce soit facilement compréhensible. Mais malgré tout, je pense que ces défauts sont très importants pour créer des personnages qui ont une personnalité forte et attachante.
Et l’idée de créer la Lune et le Soleil avec des visages et qui sont presque des personnages de l’histoire eux-mêmes ?
Atsushi Ohkubo : En fait, il n’y a pas de sens particulier à cela. Quand j’étais petit, j’adorais Dr Slump d’Akira Toriyama, qui se déroulait dans un monde où tout était possible et où on trouvait un peu n’importe quoi. J’ai fait cela sans réfléchir.
En dehors d’Akira Toriyama et son Dr Slump, avez-vous des inspirations particulières, et notamment pour l’esthétisme d’horreur et gothique qui ressort fortement ?
Atsushi Ohkubo : Plus qu’inspiré, je pense que j’ai été influencé par des choses que j’ai vu quand j’étais petit, et qui sont resté au fond de moi, qui ont mûri. Je dirai que mes influences principales sont les films de Tim Burton, mais aussi ceux de David Lynch que j’apprécie beaucoup, et ces films qui étaient très à la mode dans les années 80, les Vendredi 13 avec Jason. Je pense que ce sont les choses qui m’inspirent le plus.
Atsushi Ohkubo : En fait, le premier chapitre du premier volume de Soul Eater est une histoire courte qui n’était pas forcément destinée à devenir une série à part entière. Quand le premier chapitre a été publié dans le magazine, le but était que les gens s’arrêtent dessus. Au Japon, quand les gens parcours ce genre de magazine, il ne font souvent que le feuilleter sans faire forcément attention à tout, et sautent ainsi des histoires entières. Pour moi, le but était donc de faire des cases vraiment marquantes pour que les gens s’arrêtent lorsqu’ils passent dessus et se demandent ce que c’est, qu’ils reviennent au début de l’histoire et la lisent, et comme cela connaissent mon œuvre. Ainsi, l’histoire peut décoller car elle s’est faite connaître. C’était un moyen de me faire remarquer.
Blair Witch, la sorcière sexy
Atsushi Ohkubo : En fait, je ne dessine plus mes décors moi-même car je n’ai plus le temps et ce sont maintenant des assistants qui le font, mais j’aime beaucoup dessiner les décors.
Est-ce que vous êtes impliqué dans l’adaptation animée de Soul Eater ?
Atsushi Ohkubo : Lorsque j’ai appris que le studio Bones allait faire une adaptation animée de Soul Eater, j’étais extrêmement ravi. On s’est rencontré quelques fois au début pour mettre au point quelques idées de scénario, mais après je les ai complètement laissé faire car j’avais une confiance absolue en ce studio qui a d’ailleurs fait un excellent travail aussi bien sur le plan technique que sur la narration.
Quel regard portez-vous sur la BD mondiale, européenne, américaine, etc. ?
Atsushi Ohkubo : Bien entendu, j’en achète quelques-unes, mais quand je lis, c’est en anglais ou en français donc je ne comprends absolument rien. Mais je trouve que les pages sont très puissantes, la mise en couleurs, la mise en page, le dynamisme... C’est vraiment très intéressant et je suis toujours très admiratif des pages de BD étrangères : à chaque fois que j’en vois, je trouve ça magnifique et je me dis que jamais un japonais ne pourrait dessiner des choses comme cela.
Si vous pouviez remonter dans le temps et changer quelque chose dans Soul Eater, qu’est-ce que ce serait ?
Atsushi Ohkubo : En fait, c’est naturel mais mon trait a évolué au fur et à mesure. Le style de dessin est différent entre les premiers tomes et ce qui sort maintenant : ce que je dessine aujourd’hui est je pense un peu plus naturel que ce que je faisais au début. Si je pouvais revenir dans le temps, je crois que je redessinerais les deux ou trois premiers volumes !
La couverture à tirage limitée du volume 1 et l’ex-libris associé
Atsushi Ohkubo : Essayer de dessiner encore mieux que ce que je fais actuellement.
Y a-t-il une question que vous auriez aimé que l’on vous pose ?
Atsushi Ohkubo : Vous savez, je suis quelqu’un d’un peu timide et qui ne parle pas forcément très bien de son œuvre. Au contraire, je suis content que vous ne m’ayez pas posé de question trop compliquée car j’aurais été bien embêté.
Avez-vous un message pour vos lecteurs français ?
Atsushi Ohkubo : Les mangas de Soul Eater sont sortis il y a peu en France. Ce que je propose aux lecteurs, c’est de les lire sans trop se prendre la tête. S’ils peuvent ouvrir un Soul Eater et passer du bon temps, bien se marrer, ce sera déjà énorme pour moi. J’espère que ça sera le cas et que tous les gens qui auront pris la peine de les lire en seront satisfaits.
Merci !
Remerciements à Estelle Revelant et Grégoire Hellot de Kurokawa !