Parcours étonnant que celui de Charles Soule. D'abord avocat, il se mit à écrire en commençant par publier un graphic novel intitulé Strongman mettant en scène un lutteur mexicain héroïque. Suivit Strange Attractors une drôle d'histoires mettant en scène deux mathématiciens de génie. DC Comics le remarqua et c'est en 2013 qu'on lui confia Swamp Thing, Charles reprenant alors la suite de Scott Snyder sur la série. Les succès et les titres s'enchaînèrent jusqu'à aujourd'hui où il écrit sur deux séries Marvel : Uncanny Inhumans et, surtout Daredevil. En charge, cet été, de Civil War (non pas l'event mais le tie-in à l'event Secret Wars), Charles a bien voulu prendre de son temps pour répondre à nos questions.
interview Comics
Charles Soule
Réalisée en lien avec les albums Letter 44 T1, Le règne de Swamp Thing T1, Original Sin – Hors-série, T1
Bonjour Charles Soule, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
Charles Soule : Je m'appelle Charles Soule. Je suis un auteur américain vivant à Brooklyn, New York. La plus grande part de mon travail d'écriture consiste aujourd'hui à écrire des comic books et des graphic novels. J'ai eu la chance de pouvoir travailler sur des titres connus aussi bien pour Marvel que pour DC Comics (Swamp Thing, Death of Wolverine, Star Wars, etc) en même temps que sur mes projets personnels – des titres comme Letter 44 ou Strange Attractors. J'ai percé dans le métier de la même manière que nombre d'autres auteurs : j'ai pu faire publier quelques titres chez de petits éditeurs, ce qui m'a permis d'acquérir une certaine crédibilité aux yeux d'auteurs et d'autres personnes travaillant pour de plus grandes compagnies. Avec le temps, j'ai réussi à en faire assez pour attirer l'attention de compagnies « mainstream » comme Marvel et DC, et, aujourd'hui, me voilà.
J'ai vu sur internet que tu avais les casquettes de scénariste, musicien et avocat ! Comment gères-tu tout cela ?
Charles Soule : Principalement, en restant très actif ! J'adore écrire mais je joue de la musique depuis mon plus jeune âge (j'ai commencé à jouer du violon à l'âge de trois ans !), et j'étais avocat bien avant de devenir un auteur professionnel. J'ai mon propre cabinet depuis maintenant près de quinze ans et, comme je suis mon propre patron, j'arrive à jongler entre le temps que j'ai à accorder à ce métier, à l'écriture et à la musique. J'adore m'occuper et me lancer des défis. Dès que je n'ai pas une longue liste de choses à faire, ça me perturbe et je m'ennuie vite. J'adore ce juste équilibre entre stresser et faire ce que j'aime faire.
Tu as d'abord commencé ta carrière de scénariste dans le monde indé avec Strongman avant d'arriver très vite dans le monde des comics mainstream. Comment vois-tu ces deux univers ? Est-il plus simple de travailler dans un domaine ou dans l'autre ?
Charles Soule : C'est très différent. Naturellement, on porte moins d'attention au travail fait en indépendant mais, par certains aspects, on y bénéficie d'une plus grande liberté. Je ne dirais pas que l'un est plus aisé que l'autre, les deux ont leurs difficultés inhérentes. Je m'efforce d'exercer dans les deux domaines à la fois et d'avancer du mieux que je peux.
Tu as commencé à travailler pour le Big Two à seulement quelques mois d'intervalles. Le fait de travailler pour les deux plus gros éditeurs américains a t-il été simple à gérer ?
Charles Soule : Je pense que dès lors que l'ont tient les délais, qu'il est agréable de travailler avec soi et que l'on produit du travail de qualité, cela simplifie grandement les choses quand on travaille avec les éditeurs de Marvel comme avec ceux de DC. Ces gens ont tant de choses à faire que, quand ils ont à travailler avec quelqu'un en qui ils ont confiance, ça aide beaucoup. La tâche est parfois difficile, pour moi, mais j'aime bien travailler ainsi.
Comment écris-tu ?
Charles Soule : J'ai plusieurs petits calepins, un par projet sur lequel je travaille ainsi qu'un servant pour des notes concernant d'éventuels projets à venir. Un jour ou deux avant l'écriture d'un numéro, je prends le calepin associé et je me rends dans un café ou dans un bar et je rédige une description pour chaque page, j'annote les dialogues, etc. Puis, le lendemain, je m'assois et j'écris l'ensemble d'une traite. Parfois, les événements de la vie prennent le dessus mais, le plus souvent, ça fonctionne comme ça. Je réfléchis aussi beaucoup à mes histoires au moment d'aller courir ou pendant d'autres activités au cours desquelles je peux laisser vagabonder mon esprit. Je passe en général une heure ou deux à écrire les grandes lignes puis trois ou cinq à écrire le script complet d'un numéro.
Parmi tous les titres sur lesquels tu as travaillé, il y a notamment Swamp Thing. Sur cette série, tu as pris la succession de Scott Snyder et Jeff Lemire. Comment s'est passé le passage de relais ? DC t'a t-il donné certaines obligations ?
Charles Soule : Aucune contrainte. Même si, bien entendu, il voulaient que je leur communique les grandes lignes de l'histoire à venir et de ce que je comptais faire avec la série avant de m'en confier les rênes. Une fois devenu auteur sur la série, j'ai pu faire ce que je voulais, dans la limite du raisonnable. La transition a été très simple. Scott Snyder et Jeff Lemire sont devenus deux très bons amis et, même à l'époque, ils ont été d'un grand soutien vis-à-vis de mon run sur la série et ils répondaient à toutes mes interrogations. Ils ont été très classes et je me suis efforcé de me comporter de la même manière envers les auteurs qui ont pu prendre ma suite sur les différentes séries sur lesquelles j'ai travaillé.
Tu as aussi repris la série Red Lanterns. Etais-tu à l'époque fan de l'univers cosmique des Lanterns ? Si oui, quelle est l'histoire qui t'a le plus marqué en tant que lecteur ?
Charles Soule : J'ai adoré Blackest Night, vraiment adoré. J'ai trouvé que c'était une excellente addition à l'univers des Lanterns et, comme on a pu le voir, il en a été tiré un très grand nombre d'excellents récits. Je suis fier de mon travail sur Red Lanterns et je pense avoir fait du bon travail avec Guy Gardner et les autres membres de cette équipe de dingues.
Chez Marvel, tu as d'abord débuté sur des séries moins exposées, comme Thunderbolts ou She-Hulk avant de te voir confier des titres importants comme Inhuman ou Death of Wolverine. Sur quels titres espères-tu travailler par la suite ?
Charles Soule : Plein ! J'ai une histoire autour de Steve Rogers (Captain America) qui se déroule pendant la deuxième guerre mondiale et que j'adorerais pouvoir raconter, un jour, une autre avec le Punisher et Elektra et d'autres encore. Mais, pour l'instant, je suis très concentré sur les titres pour lesquels j'écris, à savoir Uncanny Inhumans et, surtout, Daredevil.
Question débile : Le fait d'être avocat t'a aidé à mieux comprendre Jennifer Walters, pour She-Hulk ?
Charles Soule : Bien sûr ! Bon ombre de mes expériences personnelles en tant qu'avocat se retrouvent dans cette série. En réalité, les bureaux de Jennifer, à Brooklyn, se trouvent au même endroit que les miens ! Cela dit, je n'ai pas de grande avocate verte travaillant pour moi.
Death of Wolverine est une saga très importante pour les fans car elle met en avant la disparition d'un des personnages les plus populaires de Marvel. Cela a donné lieu à des histoires mythiques comme La Mort de Captain Marvel. Comment as-tu appréhender celle de Logan ?
Charles Soule : Je voulais qu'elle soit digne mais aussi couvrir au sein d'un seul récit la plus grande partie possible de l'histoire de Logan. Ce ne fut pas simple car il a évolué dans l'univers Marvel pendant plus d'un siècle. Avoir Steve McNiven au dessin a vraiment beaucoup aidé. Il est génial.
Dernièrement nous avons appris que tu avais rejoint les artistes travaillant sur l'univers Star Wars avec Lando. A quoi pouvons-nous nous attendre avec ce titre ?
Charles Soule : Lando a toujours été un de mes personnages préférés de Star Wars. C'est un baratineur, il est intelligent et drôle mais c'est aussi un personnage complexe. Attendez-vous à le voir mettre des gens en danger avec des combines aux enjeux démesurés afin de parvenir à rembourser ses dettes et, par là, recouvrer sa liberté. Ah, et Lobot, aussi. C'est le meilleur ami de Lando, dans cette histoire, et il est très amusant.
Parlons à présent de Letter 44. Pour débuter, comment vendrais-tu le titre aux lecteurs qui hésitent à se lancer dans l'aventure ?
Charles Soule : J'appelle ça de la science-fiction politique, comme à la croisée de House of Cards, d'Alien, de The West Wing (NDT: alias À la Maison Blanche) et de 2001. L'histoire est celle d'un président américain qui entre en fonction et apprend qu'une présence alienne a été découverte par la NASA, par-delà la Ceinture d'Astéroïdes, durant l'exercice de son prédécesseur mais que ce dernier a caché l'affaire au public. Maintenant, ce nouveau président doit décider quoi faire – garder le secret ou bien en révéler l'existence – alors qu'une mission spatiale a été lancée pour établir le contact et découvrir les intentions des extra-terrestres. C'est de la SF intelligente et trépidante.
Letter 44 est un patchwork étonnant de différents genres d'histoires. Quels ont été les influences lors de la création de ce titre ?
Charles Soule : Eh bien ma carrière juridique m'aide avec le côté politique mais j'ai aussi toujours été fasciné par le programme spatial. La NASA, le programme Apollo, la navette spatiale, tout ça. La série est un hommage à cet ensemble mais au poste de président – être un leader mondial est, je pense, le job le plus difficile au monde.
Une des caractéristiques de Letter 44 est la présence assez importante de la politique. Est-ce un domaine qui te plaît particulièrement ?
Charles Soule : Beaucoup. J'ai étudié tous les présidents et j'ai lu de nombreux ouvrages traitant de leurs vies et de leurs carrières. Je suis aussi très intéressé par la machine qu'est le Gouvernement. Je suis fasciné par la façon dont les choses fonctionnent et s'accomplissent.
Ta narration sur Letter 44 rappelle beaucoup celle des séries télé. Est-ce voulu ? Quelles séries t'ont le plus marqué récemment ?
Charles Soule : Je pense qu'on est dans un Âge d'Or, pour la télévision ! Il y a tellement d'excellentes séries, de nos jours. Des séries comme Breaking Bad ou Game of Thrones. C'est vraiment génial.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
Charles Soule : Je dirais Neal Stephenson. Je trouve que ce qu'il fait est impeccable et je n'arrive pas à comprendre comment il fait. Je ne suis même pas sûr de savoir quoi lui dire s je venais à le rencontrer, un jour. Sinon, je dirais aussi China Mieville. Je l'ai rencontré et j'arrivais à peine à prononcer un mot. Quelle que soit la quantité d'écrit que je parvienne à produire, je resterai à jamais un fan des grands auteurs.
Merci Charles !
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