Storyboarder, designer et également dessinateur de comics sont quelques des facettes de David Messina. L'artiste italien travaille maintenant depuis plus d'une dizaine d'années pour le marché américain et a collaboré avec des auteurs prestigieux comme Joe Casey ou Mike Norton. Présent en France à l'occasion du Paris Comics Expo cuvée 2014, nous avions eu l'opportunité de converser avec cet auteur sympathique.
interview Comics
David Messina
Réalisée en lien avec les albums Catwoman Eternal T2, Star Trek T2, Hack Slash T1
La traduction de cette interview a été réalisée par Alain Delaplace.
Bonjour David Messina, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
David Messina : Je m'appelle David Messina. J'ai commencé dans l'industrie du comics il y a dix ans de ça, chez IDW. J'ai commencé avec le comics Angel, tiré de la série tv de Joss Whedon. Depuis, j'ai travaillé avec IDW, Marvel, j'ai travaillé sur Ultimate Spider-Man, Wolverine ainsi que Wolverine and the X-Men. Et aussi pour Image où j'ai eu la chance de pouvoir travailler sur The Bounce, avec Joe Casey. Avec IDW, je travaille principalement sur des adaptations de films ou de série tv. Pour Star Trek, je travaille sur la préquelle du film de J.J. Abrams et les studios Bad Robot. Avec Bad Robot, j'ai pu travailler avec Roberto Orci et tous les gens de la boite. Star Trek a été mon dernier projet pour IDW.
Quelles sont tes influences ?
David Messina : Ma plus grosse influence sur mon style et ma vision des comics provient de David Hughes, qui est un dessinateur très talentueux. Katsuhiro Otomo, avec son travail sur Akira, le plus grand comic-book au monde. Et aussi, venant de l'art nouveau, Alphonse Mucha et Gustav Klimt, en ce qui concerne la recherche et le style du dessin. Je suis un grand fan de comics donc je regarde toujours à droite et à gauche pour dénicher de nouveaux artistes et mes plus grosses influences du moment viennent de Katsuya Terada, Mike Mignola et Jack Kirby. J'ai découvert et développé un amour pour les dessins de Kirby depuis quelques années.
Et au milieu de toutes ces influences, comment définirais-tu ton style ?
David Messina : Oh. Ce n'est pas facile car j'imagine que l'on pourrait dire que mon style est réaliste sans l'être. J'essaie de conserver et de magnifier la réalité en cherchant le meilleur angle, le plus beau corps et le meilleur éclairage convenant à l'histoire. Je me conçois plus en tant que narrateur qu'en tant que dessinateur. Un raconteur d'histoires, voilà comment le titre qui me sied le plus.
Tu as illustré de nombreux comics tiré de licences célèbres. Je pense à True Blood, Angel, Star Trek et d'autres. Quelles sont les difficultés auxquelles tu es confronté quand tu dois illustrer des personnages aussi établis et définis auprès de leurs fans ?
David Messina : Ce que je trouve le plus difficile pour moi, quand je travaille sur de telles licences, est de réussir à préserver la ressemblance avec les personnages d'origine alors qu'en même temps je dois faire "jouer" ces personnages. C'est très difficile car on est habitués à visualiser les acteurs dans leurs œuvres d'origine alors qu'ils n'ont pas d'expression particulière. On a une image photo en tête, relativement parfaire mais immobile. Or on doit souvent malmener les expressions faciales et les corps. Il est donc difficile de conserver la ressemblance au cœur d'une scène. Un autre problème qui m'est personnel est que j'aime aussi conserver l'esprit et l'atmosphère de l'oeuvre d'origine. Donc chaque fois que je commence un nouveau True Blood ou un Angel ou un Star Trek, il faut que je visionne la série car les fans et leur amour pour la série méritent d'être respectés. J'ai donc besoin d'étudier la série pour pouvoir donner la même ambiance au comics.
Quelles sont tes adaptations préférées ?
David Messina : Oh, je dirais Angel car, contrairement à Tru Blood ou Star Trek, je regardais déjà Angel avant de me voir proposer le projet. J'ai toujours été un grand fan de ce que fait Joss Whedon, comme Buffy, Angel, DollHouse ou Firefly. Donc Angel a été mon adaptation préférée !
Récemment, tu as travaillé avec Joe Casey en illustrant The Bounce. Peux-tu nous présenter cette série ?
David Messina : Bien sûr ! Je pense que The Bounce est un des comics que j'ai le plus aimé faire car, pour la première fois, j'ai pu travailler sur quelque chose qui nous appartenait, à moi et à Joe. The Bounce est complètement différent de ce sur quoi j'ai pu travailler auparavant. Parce que ça ne parle pas de super-pouvoirs, de costumes, de créatures ou d'action. C'est plus un comics traitant de la nature même des gens et de ce qui fait d'un homme un héros en dépit du fait qu'il soit un criminel ou je ne sais quoi d'autre. C'est une série dingue et une des plus difficiles et complexes que j'ai jamais eues à illustrer. On ne cesse de changer de dimension, de ligne temporelle et il faut sans arrêt changer de style tout ça. C'est aussi la première fois que je travaille avec quelqu'un comme Joe qui me parle sans arrêt de la série, de son contenu et de ce qu'on veut montrer au lecteur. C'est un comics book qui, du coup, me paraît très personnel. J'ai eu la chance de travailler non seulement avec Joe mais aussi avec Sonia Harris qui est derrière le concept originel, avec Joe. ça a été douze numéros de folie pure mais j'ai vraiment aimé illustrer cette série et j'espère que les lecteurs auront pris autant de plaisir à la lire.
J'ai adoré ce qu'a fait Joe Casey.
David Messina : C'était un truc de dingues mais il était toujours adorable et m'expliquait les différents choix qu'il faisait. Parfois, c'était difficile de tout saisir : l'utilisation des drogues, ce qui arrivait aux personnages sans parler de plusieurs niveaux de compréhension ! Il faut en effet lire plusieurs fois The Bounce pour en comprendre tous les aspects.
Combien y a-t-il eu de numéros ?
David Messina : Douze numéros constituant le récit. Dès le début, on ne voulait raconter qu'une seule et unique histoire, en douze numéros.
Quand tu as collaboré avec Joe, y'avait-il des limites à ta participation ?
David Messina : Non, pas de limites et j'adore travailler avec Joe parce qu'il n'arrête pas de me solliciter et de m'expliquer ses choix. Si je devais apporter des changements pour apporter mon point de vue sur une scène, il me demandait toujours pourquoi je voulais faire ça. On discutait tout le temps, parfois plusieurs jours sur une même idée parce qu'on avait des points de vue différents d'un même concept. Il n'y a rien dans The Bounce que l'on n'ait pas sérieusement discuté, considéré ou réfléchi. Joe n'est pas du genre à simplement donner des ordres à un dessinateur, il te dit "tu vas le faire comme ça parce que..." et il t'explique pourquoi. Et il m'a ainsi justifié chaque changement. Il m'a donné l'opportunité de m'améliorer et de grandir, en tant qu'artiste. Je crois que ça a été la plus grande expérience de ce type, pour moi.
Quels sont tes prochains projets ? Prévois-tu de retravailler avec Joe ?
David Messina : Oui, j'espère que ça se fera un jour ! Pour le moment, Joe est très occupé avec plusieurs projets comme le film adapté d'Officer Down donc on n'en n'a pas encore parlé. On sait qu'on souhaite tous les deux travailler de nouveau ensemble mais pour l'instant, on est encore dans The Bounce : le paperback n'est sorti qu'il y a quelques jours donc on travaille toujours sur The Bounce et sur sa promo. J'espère qu'un jour on pourra travailler encore ensemble sur quelque chose de complètement différent de The Bounce.
As-tu d'autres projets ?
David Messina : Pour le moment je travaille sur une série limité pour un éditeur dont je ne peux pas dire le nom. Et je travaille avec le studio Kaiju, un studio que j'ai fondé avec Emanuel Simeoni, de DC, et Valerio Schiti, de Marvel. Et on travaille sur différents projets, des comics mais aussi des films, des jouets et des jeux vidéos. On travaille donc sur d'autres aspects de notre métier.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
David Messina : Un artiste de comics ?
En premier, si tu veux mais un autre aussi, c'est possible.
David Messina : J'adorerais dérober le talent visuel de Jack Kirby. C'était si puissant. Je me retrouve devant ses pages et elles sont si emballantes, après tant d'années... Jack Kirby était un des premiers artistes dont j'ai pu voir les dessins quand j'ai commencé à lire des comics, enfant. Mais ses illustrations sont toujours aussi enthousiasmantes, malgré le temps et les visionnages. J'adorerais prendre sa vision et voir le monde avec ses yeux.
Dernière question : as-tu toujours lu des comics ?
David Messina : Oui !
En as-tu un préféré ?
David Messina : Oui, en tant que lecteur, pas en tant qu'illustrateur, j'adore The Walking Dead. J'aime aussi tout ce que fait Peter David. De Spider-Man 2099 à X-Factor... Southern Bastard, aussi. Et Saga, de Brian K. Vaughan et Fiona Staples est un de mes comics préférés. Et j'ai toujours eu un point faible pour Spider-Man. Chaque fois qu'un nouveau comics de Spider-Man sort, je craque.
C'est parce que tu es un dessinateur italien !
David Messina : Oui ! [rires] D'ailleurs quand on parle de dessinateurs italiens, on parle aussi de Giuseppe Camuncoli ou de Stefano Caselli. J'ai l'impression d'être un supporter de mes amis d'autant plus qu'ils illustrent un de mes personnages préférés !
Tu aimerais te retrouver à illustrer Spider-Man ?
David Messina : Je ne sais pas si je suis le dessinateur qu'il faudrait à Spider-Man. J'ai toujours regardé Spider-Man avec les yeux d'un fan, jamais ceux d'un illustrateur. Mais si je pouvais le faire un jour, je pense que je sauterais sur l'occasion. J'ai adoré travailler sur Ultimate Spider-Man avec Bendis car Miles Morales est un super personnage, que j'adore. Qui sait ? Peut-être, un jour ? [rires]
Merci David !