Lors du dernier festival Quai des Bulles de Saint Malo, nous avons pu rencontrer James Christ, l'un des auteurs de la série-concept jeunesse Les Géants, prévue en six tomes et publiée chez Glénat. Pour réaliser cette série à la parution très rapide, plusieurs auteurs se sont associés, et James Christ a pu illustrer les tomes 2 et 4 des Géants. Après avoir réalisé ses premières BD en autodidacte avec les Zindics anonymes, il se consacre maintenant pleinement à son métier d'illustrateur bande dessinée.
interview Bande dessinée
James Christ
Bonjour James Christ, petite question pour commencer, peux-tu te présenter pour les lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?
James Christ : Je suis James Christ, je suis illustrateur autodidacte. Je dessine de la BD. J’ai travaillé pour Dupuis et maintenant je suis chez Glénat. Et je suis le dessinateur de la série jeunesse Les Géants.
Est-ce que tu peux nous parler un peu de ton parcours, de ce qui t'a amené à la bande dessinée ? Tu dis que tu es autodidacte, comment tu t'es lancé ?
James Christ : Alors un peu au hasard on va dire, ça m'est tombé dessus. J'ai toujours dessiné, ça c'est sûr, et en fait ça fait 3 ans maintenant que je vis de ça, je suis dessinateur professionnel, et c'est grâce aux réseaux sociaux et à Carbone, avec qui j'ai bossé sur les Zindics anonymes, qui m'a contacté. Il y avait le scénario des Zindics qui était validé chez Dupuis et il cherchait un illustrateur et elle voyait mon travail sur Internet. Du coup elle m'a demandé si je voulais participer au projet et je l'ai fait, ça a été validé. J'ai commencé comme ça, à 37 ans voilà, un peu sur le tard et c'est quelque chose que je n'espérais plus. J'ambitionnais plus d'être auteur de bande dessinée à ce moment-là.
C'est quelque chose que tu souhaitais depuis longtemps ?
James Christ : Alors oui quand j'étais gamin, je voulais faire ça. Après il y a eu la raison on va dire, il fallait travailler, se nourrir et c'était compliqué. Je voulais pas courir après les maisons d'édition j'avais plus tellement d'ambition là-dedans et en fait ça a été l'inverse, c’est à dire qu'on m'a trouvé, c'est pas moi qui suis allé chercher le travail, c'est le travail qui m’a trouvé. En faisant les Zindics j'ai fait des rencontres, forcément, sur les salons ou encore une fois par internet, et Lylian et Paul Drouin m’ont contacté pour participer au projet des Géants, qui n'était pas encore signé et développé, et ils m'ont demandé si j'étais intéressé de faire ça et puis j’ai bien fait apparemment !
Par rapport aux Géants, est-ce que tu peux nous rappeler de quoi parle cette série ?
James Christ : Bah en fait on a des enfants qui sont spirituellement connectés à des géants. Des géants qui dorment depuis plusieurs siècles sur Terre et qui sentent la planète en danger. En l'occurrence c'est surtout Alyfar, le géant méchant qui se réveille, à cause de la société Crossland, à cause du grand méchant. Et du coup les géants se réveillent, mais ils ont besoin pour vivre finalement, de se connecter à des enfants, et c'est comme ça que dans chaque tome on a des enfants à travers le monde qui découvrent leur géant pour en arriver à une bataille finale.
Comme tu le disais, vous êtes plusieurs à travailler sur ce projet-là et tu n'est pas crédité sur tous les tomes ?
James Christ : Oui parce qu'en fait je dessine le tome 2 et le tome 4. Paul Drouin dessine le premier et va dessiner le sixième, Luisa Russo dessine le tome 3 et Mobidic va dessiner le tome 5.
Et vous arrivez quand même à trouver une harmonie dans le dessin, parce que finalement on se rend pas forcément compte qu'on a des auteurs et illustrateurs différents sur cette série ?
James Christ : En fait l’harmonie elle est surtout faite dans le découpage de la BD et c'est Paul Drouin qui s'occupe du storyboard. Lylian fait le scénario, Paul fait tous les storyboard de toute la série, justement pour qu'il y ait une cohésion on va dire au moins de prise de vue, de découpage des albums, pour pas que les albums soient différents les uns des autres. Et après on essaie de s'adapter au style graphique de Paul, qui à la base porte le projet, mais après on a des styles qui sont quand même assez proches, donc y a rien de flagrant. Il y a des différences forcément, mais il y a rien de flagrant donc on arrive à s'adapter. Et c'était finalement pas très compliqué de s'adapter les uns avec les autres pour mon cas.
Ce n’est pas frustrant de ne pas être dessinateur de bout en bout d'une série ?
James Christ : Alors pour le coup moi non, finalement parce que c'est moi qui viens dans le projet, qui a été créé par Lylian, Paul et Nico, qui est l'éditeur aujourd'hui chez Glénat. C'est eux qui ont porté le truc, donc c'est peut-être plus frustrant pour Paul finalement qui fait le storyboard, et qui derrière dessine pas tous les volumes, donc ça ouais j'imagine. Mais moi non au contraire, je prends plaisir à participer au projet, donc non non il n’y a pas de frustration.
Est-ce que c'est compliqué de travailler aussi nombreux autour d'une série où est-ce que finalement c'est assez fluide ?
James Christ : Non c'est très fluide. Alors le seul truc c'est qu'on a un retour supplémentaire on va dire, parce que comme on fait pas le storyboard sur la série et que Paul Drouin est directeur artistique, ça se passe comme ça : Lylian envoie le scénario, Paul fait le storyboard, moi derrière je fais mon crayonné, qui passe par Paul et Lylian, et après par l'éditeur. Il y a plusieurs étapes de validation sur le crayonné pour ensuite passer à l'ancrage. C'est pas compliqué c'est juste qu'il y a une autre étape et des yeux supplémentaires qui nous permettent de progresser. Parce que moi je suis autodidacte, donc je profite des bons conseils ça me fait progresser très vite.
Comment tu procède quand tu dois créer un tome ? Tu parlais des crayonnés, mais quelles techniques utilises-tu ?
James Christ : Moi j'arrive et j'ai le storyboard de Paul, donc la préparation de la page, les cases tracées, les bulles placées. Et après moi je travaille tout en numérique, donc en fait la page elle arrive déjà sous Photoshop. Je prends derrière son dessin et j'en fais un calque que je place derrière, et ensuite je crayonne par-dessus. Une fois que c'est crayonné et validé, du coup j'encre, mais je travaille exclusivement sur tablette graphique. Et après c'est envoyé pour la colorisation.
Pour ce projet, dès le départ on savait que ça serait une série en six tomes, c'est quelque chose qui est rassurant de savoir où l’on va ?
James Christ : Oui oui, déjà pour être honnête contractuellement on sait que pendant 1 ans 2 ans on va travailler. C'est hyper important. Et oui parce que justement, c'est un gros paris de Glénat finalement de signer une série-concept en 6 tomes direct. Les 6 tomes étaient signés au départ sans savoir si finalement ça allait marcher ou pas. Aujourd'hui on a de très bons retours donc le pari a été positif. Mais oui sur le coup, quand on signe pour 6 tomes, enfin deux pour moi, on peut voir un peu ce qui se passe devant et ça rassure.
Le rythme de parution est quand même assez intense !
James Christ : Oui c'est pour ça qu'on est beaucoup d’auteurs, plusieurs à travailler dessus pour pouvoir suivre ce rythme. Il fallait à tout prix garder le public, l'accrocher, et si on sortait un album par an en jeunesse… L’adulte c'est compliqué aussi mais on est plus patient, on peut se permettre d'attendre 10 mois pour lire un autre album. Alors que les enfants c'est impatient, ce qui est normal aussi, du coup on essaie d'avoir à peu près un rythme de 6 mois entre les albums. Pour l'instant ils vont être tenus parce que je crois que le prochain sort en mars ou en juin, j'ai pas trop la date exacte, et après on ressort en octobre le dernier donc ça va assez vite, deux albums par an c'est très bien !
En parallèle tu travailles sur d'autres projets ?
James Christ : Là j'ai un autre projet avec Lylian, qui est signé. Pour l'instant, je peux pas trop dire ce que c'est, mais c'est une parution prévue pour novembre 2022. Pour le coup ça sera une série en six tomes normalement, si tout va bien, et c'est une adaptation d'un roman jeunesse.
Et maintenant tu te consacres vraiment à la BD ?
James Christ : Oui, maintenant c'est vraiment entièrement mon métier. Donc en plus de ça, je fais des interventions dans les écoles, des choses comme ça. Donc quand je suis pas sur la table de travail on va dire, je suis dans les écoles, dans les centres aérés, les lycées. Je vis du dessin, ça c'est un truc que je pensais plus du tout qui allait m'arriver un jour, et ça me tombe dessus maintenant, à 37 ans. Donc j'en profite un max !
Tu te tournes principalement pour le moment vers un public jeunesse. C'est parce que les propositions ont été dans ce sens, ou c'est vraiment une volonté de ta part de toucher ce public ?
James Christ : Ce n'est pas une volonté de ma part dès le départ. Disons que moi je suis rentré dans la bande dessinée par un scénario jeunesse. Le style que j’avais utilisé dans les Zindics a été apprécié par Glénat, Lylian et Paul. Donc je suis resté forcément là-dedans. Le prochain projet on va dire, c'est peut-être un peu plus jeunesse-ados quand même, donc on commence à monter un peu en tranche d'âge. Mais j'aimerais aussi sortir de là, que ça me serve pour faire autre chose derrière mais là aujourd'hui je me dis que j’ai le temps. Et je prends d’abord ce qui vient et ce qui m'intéresse ! Mais j'aimerais bien aussi changer de style, au moins pour voir ce que ça peut faire. Si c'est bien accueilli aussi par les adultes, et ne pas rester toujours forcément dans le même style.
Au niveau graphique quelles sont tes inspirations ?
James Christ : Aujourd'hui je vais beaucoup puiser dans le comics, mon style le montre un peu, dans le découpage. C’est vraiment là-dedans que je vais puiser. Mais après il y a un auteur particulier que j'aime beaucoup, c'est Humberto Ramos. Je pense que beaucoup de lecteurs qui disent de la BD aiment ce qu’il fait parce qu'il a un style à part, et j'aime énormément ce qu'il fait. Après, quand j'étais plus jeune, quand je dessinais pour moi, il y avait Franquin, voilà enfin je dessinais les grands classiques. Pas trop la ligne claire, mais les classiques de l’époque. Maintenant je puise beaucoup dans le comics.
Si tu avais le pouvoir cosmique de rentrer dans le crâne d'un autre auteur, chez qui irais-tu voir le monde et pour y trouver quoi ?
James Christ : Alors là… qui j’irais voir… je sais pas… J'aurais bien aimé, à l'époque, voir ce qu'il y avait dans la tête de Moebius. Pour y trouver quoi ? Pour y trouver tout ce qu'il a sorti, parce que d'où est-ce qu'il sortait tout ça à l'époque ?! Je pense que Moebius c'est quelqu'un qui a ouvert beaucoup d'univers dans sa tête. Enfin tout ce qu'il a fait déjà : il a eu plusieurs noms, voilà son travail est énorme. Pour y trouver quoi je sais pas, mais pour comprendre pourquoi il avait tant de personnalités, tant de styles ouais ça c'est sûr.