interview Manga

Kachou Hashimoto

©Glénat édition 2014

Afin de trouver des œuvres moins formatées par les éditeurs japonais, les éditions Glénat ont récemment pris le parti de chercher des mangas non publiés dans le circuit habituel. C’est ainsi que l’éditeur français a découvert Cagaster, récit auto-publié par son auteur Kachou Hashimoto sur son site Internet, mais pour autant d’un niveau professionnel. Après avoir rencontré la mangaka au Japon, les éditions Glénat acquièrent les droits de la série à l’international alors même qu’aucun éditeur japonais n’y était arrivé. Une démarche éditoriale plutôt rare, pour une œuvre d’auteur réalisée en dehors des sentiers battus ; il nous tardait donc d’aller discuter de tout cela de vive voix avec Kachou Hashimoto et son éditeur - français...

Réalisée en lien avec l'album Cagaster T1
Lieu de l'interview : Editions Glénat

interview menée
par
1 juillet 2014

Bonjour Kachou Hashimoto. Comment avez-vous commencé dans le milieu du manga ?
Kachou Hashimoto : C’est au collège que je me suis mise à vraiment vouloir faire du manga, et c’est plus tard, au lycée, que je me suis décidée à devenir mangaka professionnelle. Au tout début, j’ai commencé par apprendre à dessiner par moi-même. Je montrais mes dessins à des amis qui aimaient dessiner, et on se faisait des commentaires. C’est après le lycée que j’ai fait un peu d’école de dessin, puis j’ai continué en devenant assistante pour un mangaka.


kachou hashimoto cagaster glénat Quels sont les mangakas ou les mangas qui vous ont influencés dans votre jeunesse ?
Kachou Hashimoto : Ce qui m’a vraiment influencé le plus, c’est le manga Ushio to Tora de Kazuhiro Fujita (NDR : auteur également de Karakuri Circus et de Moonlight Act). Cette série était publiée dans le Shônen Sunday, et je lisais donc également beaucoup les autres mangas de ce magazine.


Comment est né le projet du manga Cagaster ?
Kachou Hashimoto : C’est juste après le lycée que j’ai découvert le roman La métamorphose de Kafka. Ce roman débute par le héros, Gregor Samsa, qui se transforme en insecte, et c’est cette façon de décrire cette métamorphose comme faisant partie du quotidien qui m’a vraiment bouleversée. Et donc, je me suis dit que je pouvais peut-être adapter ça en tant qu’œuvre de divertissement en manga, et voilà...


Vouliez-vous réaliser une interprétation libre du scénario de La métamorphose ou vous êtes-vous seulement inspirée de l’idée de départ de la transformation pour poser la base de votre récit ?
Kachou Hashimoto : C’est juste l’idée de départ. Pour le reste, je m’inspire beaucoup plus de certains animés qui passent au Japon. Il existe par exemple une série qui reprend les adaptations des œuvres littéraires célèbres, comme Remi sans famille ou Princesse Sarah (NDR, Sans famille et La petite princesse pour les titres des romans d’origine). C’est donc un mélange entre une idée de départ qui vient de Kafka, adaptée à une mode comme ces animés-là qui sont plutôt destinés aux enfants, c’est à dire quelque chose de plus divertissant.


Et pour les personnages, comment les avez-vous imaginés ?
Kachou Hashimoto : Au tout départ, l’histoire était complétement différente, ainsi que les personnages. Le couple de héros était inversé : Kidow était une jeune fille et Ilie un petit garçon. Au fur et à mesure que j’avançais dans le récit et que je réfléchissais à l’histoire, cela s’est donc inversé.


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Aviez-vous déjà entamé la réalisation des planches à ce moment-là ou bien était-ce lors de l’écriture globale du scénario avant de commencer à dessiner ?
Kachou Hashimoto : Dans sa première version, Cagaster était un one-shot d’une quarantaine de pages que j’avais dessiné vers 18-19 ans pour aller le montrer à l’éditeur Shôgakukan. Seulement, à l’époque, l’éditeur avait commencé à dire que la fantasy ne l’intéressait pas et donc je ne l’avais pas montré, je l’ai gardé pour moi. Les changements sont donc intervenus plus tard, lorsque j’ai fait un remake pour donner ce qui est aujourd’hui Cagaster.


En termes de manga, votre histoire fait également penser à celles d’autres titres comme Letter Bee, L’attaque des Titans, The arm’s peddler et Desert Punk. Etait-ce des sources d’inspiration et, sinon, en avez-vous eu d’autres ?
Kachou Hashimoto : Pas du tout, car cela fait 8 ans que j’ai commencé Cagaster, et donc Letter Bee et L’attaque des titans sont des œuvres qui sont parues plus tard. Quand à Desert Punk, je ne l’ai jamais lu.


Vous avez publié Cagaster sur Internet de votre côté. Est-ce qu’en parallèle, vous faisiez une autre série chez un éditeur ? Comment vous organisiez-vous ?
Kachou Hashimoto : Quand j’ai commencé Cagaster, j’étais encore assistante chez un mangaka. Donc j’allais travailler normalement, et c’est en rentrant chez moi que j’utilisais mon temps libre pour dessiner mon histoire. Mais ensuite, j’ai eu quelques travaux professionnels à faire, des mangas de commande. A ce moment-là, j’étais donc assistante, puis je réalisais mes travaux professionnels, et c’est dans le peu temps libre qu’il me restait après que je réalisais Cagaster. Au bout de 4 ou 5 ans, je me suis rendue compte que je n’en finirai jamais avec ma série si je continuais à ce rythme, donc j’ai arrêté tout le reste pour me consacrer à Cagaster pendant 2 ans, afin de pouvoir terminer la série, en vivant sur mes économies.


Est-ce que vous publiiez vos planches au fur et à mesure sur Internet, ou bien attendiez-vous d’avoir terminé par exemple l’équivalent d’un volume relié ? kachou hashimoto cagaster glénat
Kachou Hashimoto : Pour le premier chapitre, j’ai dessiné mes 32 pages que j’ai publiées d’un coup. A partir du suivant, j’ai fait des blocs d’une quinzaine de pages, en suivant l’histoire, en coupant à chaque fois à la fin d’une scène. L’idée était-elle seulement de publier votre propre histoire, ou bien s’agissait-il aussi d’avoir un retour du public en faisant ça, par exemple pour suivre l’envie des lecteurs et adapter l’histoire à leurs demandes ? C’était pour avoir un retour du public. J’ai fait cette série pour pouvoir la montrer, la faire lire à des gens, donc j’attendais un vrai retour de leur part. D’un point de vue scénaristique, je n’étais pas vraiment influencée par les demandes du public : j’avais mon histoire, et je ne me laissais pas aller à droite et à gauche en fonction de ce qu’on me disait. Par contre, lorsqu’il y avait des conseils ou des corrections, par exemple sur les termes militaires dans les dialogues, je me permettais de corriger mon erreur. Tout le scénario était-il écrit à l’avance ou l’avez-vous réalisé au fur et à mesure ? La trame générale de l’histoire et le dénouement étaient écrits depuis le départ. Par contre, comme j’ai dessiné la série durant 8 ans, il y a évidemment eu des modifications en fonction de mon état ou de mon humeur du moment, et il y a eu quelques gros changements. Mais je ne peux pas en dire plus sans spoiler énormément l’histoire.


Cagaster arrive directement en France sans avoir été publiée chez un éditeur japonais. Comment s’est déroulée la prise de contact avec votre éditeur français ? Est-il venu vers vous ou bien l’inverse ? Comptez-vous également sortir la série au Japon chez un éditeur?
Kachou Hashimoto : En ce qui concerne les éditeurs japonais, comme c’est une œuvre qui a été publiée sur Internet et que je souhaite garder en ligne, cela ne les intéresse pas car ils veulent que les titres de leur catalogue ne soient disponibles que dans leur propre réseau. Ça, ce n’était absolument pas possible pour moi. Du côté de Glénat, la proposition était que je pouvais garder la version japonaise sur mon site Internet en publication libre, et pareil pour les dôjinshi (NDR : sortes de fanzines, souvent parodiques, qui se déroulent dans l’univers d’une série) que j’édite à mon propre compte. Cela me plaisait, et le concept était intéressant d’avoir mon titre publié en France.


Comment êtes-vous entrés en contact ?
Kachou Hashimoto : En fin d’année dernière, j’ai reçu un mail pour me demander si je serais intéressée par une édition en France, et que comme Glénat aurait un déplacement au Japon peu après, on pourrait se voir pour en discuter. J’ai mis du temps à répondre car je n’avais pas vu le mail. Finalement, on a pu se rencontrer en décembre au Japon, et suite à la discussion, cela s’est bien passé.

Satoko Inaba (assistante de direction éditoriale Glénat) : Du point de vue de Glénat, nous avons découvert son manga sur son site Internet. On a vu qu’elle en faisait une exploitation sur fanzine, et que ce n’était donc pas juste une débutante mais une professionnelle qui savait faire des fichiers au format destiné à l’imprimerie. L’histoire était intéressante et donc nous l’avons contactée. Elle nous a répondu positivement et nous nous sommes rencontrés pour discuter des possibilités.


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En tant qu’auteur de manga, avez-vous malgré tout le temps de lire d’autres mangas ?
Kachou Hashimoto : En temps normal, je lis des mangas, je regarde des dessins animés et j’adore les jeux vidéo. Seulement, émotionnellement, j’utilise ainsi tout mon plaisir. Donc ces deux dernières années, pour pouvoir terminer Cagaster, je me suis entièrement coupée de tout cela afin de m’investir à fond dans ma série.


Maintenant que Cagaster est terminée, quels sont vos projets en cours ou à venir ? Que ce soit pour des publications en direct ou via un éditeur, au Japon comme en France...
Kachou Hashimoto : Actuellement, je travaille sur un projet que je ne peux pas encore révéler et qui est en collaboration avec un éditeur japonais. Au niveau du temps, c’est actuellement difficile de faire autre chose. Mais en ce qui concerne les possibilités, et surtout l’envie, c’est évidemment quelque chose de complétement possible.


Si vous aviez le pouvoir de visiter l’esprit d'un autre artiste pour par exemple comprendre son génie ou bien lui piquer des techniques de dessin ou autre, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Kachou Hashimoto : Je choisirai Hayao Miyazaki du studio Ghibli, pour pouvoir comprendre d’où viennent ses histoires, et aussi son dessin très minutieux, pour comprendre instantanément comment tout cela lui vient à l’esprit. Ce serait très intéressant !


Merci !


Pour découvrir la bande annonce de Cagaster en ligne, rendez-vous ici !


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Merci à Satoko Inaba pour la traduction et aux éditions Glénat


Toutes les illustrations de l'article sont ©Kachou Hashimoto / Editions Glénat
Toutes les photos de l'article sont ©Nicolas Demay