interview Bande dessinée

Steven Dupré

©Casterman édition 2009

Dessinateur flamand, Steven Dupré est encore trop peu connu en France, eut égard à son grand talent. Depuis ses débuts sur Coma, il s'est illustré sur Pandora Box et sur une adaptation d'une série télé : Kaamelott ! La collaboration fonctionne tellement bien entre Alexandre Astier et lui, que la série se poursuit au-delà... et tant mieux, tant celle-ci est de grande qualité ! Une interview très sympa avec un auteur qui ne l'est pas moins !

Réalisée en lien avec l'album Kaamelott T4
Lieu de l'interview : Angoulême 2009

interview menée
par
20 décembre 2009

Pour commencer, peux-tu nous raconter ton parcours : comment en es-tu arrivé à faire de la bande dessinée ?
Steven Dupré : Après l’école, j’ai commencé à faire de la bande dessinée pour un journal flamand, à hauteur de 3 planches par semaine et pendant 6 ans. Cela m’a forgé au métier et ça m’a permis de faire une BD jeunesse en Belgique. Entre temps, j’ai fait de l’encrage sur d’autres projets, puis j’ai passé le cap de la langue et j’ai travaillé sur Coma chez Glénat. Ensuite, j’ai participé à la série Pandora Box et enfin je suis arrivé sur Kaamelott.

© Steven DupréComa a été une série très intéressante… penses-tu avoir tout dit maintenant qu’elle est terminée ?
SD : Non, je n’ai pas tout dit. Seulement, je ne peux pas continuer, parce que l’éditeur a sabordé la série en cours. Je voulais faire au moins deux autres tomes pour terminer l’histoire. C’est triste parce que c’est fini trop tôt, mais je comprends les raisons de l’éditeur qui l’ont amené à prendre cette décision.

Tu as participé à la série Pandora Box, que penses-tu de la série, maintenant qu’elle est terminée ?
SD : Qu’Alcante est un scénariste formidable et incroyablement talentueux. J’ai plein de bons souvenirs sur cet album et de notre collaboration. Nous voulons tous deux collaborer de nouveau ensemble.

Tu as réalisé une nouvelle histoire courte pour l’intégrale…
SD : Oui, c’était rigolo de retrouver les personnages principaux de la gourmandise, mais cette fois 20 ans avant

© Steven DupréComment es-tu arrivé sur Kaamelott ? Est-ce qu’Alexandre Astier connaissait ton travail ?
SD : En fait, c’est l’éditeur qui est venu me voir. Ils m’ont demandé de faire plusieurs planches d’essai en ne me disant pas pour quel projet c’était. D’autres dessinateurs ont aussi tenté leur chance, mais c’est finalement sur moi que le choix d’Alexandre c’est porté.

Connaissais-tu la série télévisée ?
SD : Pas du tout, car elle n’est pas diffusée sur les chaînes de télé flamande. En même temps, il est très rare de voir des œuvres francophones sur ces chaînes. Je ne connaissais pas la notoriété de celle-ci ! Au début, j’ai eu un DVD avec quelques épisodes de la première saison, ce qui m’a permis de découvrir la série. Pour moi, la première saison reste la plus importante car la BD se déroule durant la première saison.

La bande dessinée est beaucoup plus heroïc-fantasy, avec de nombreuses créatures que l’on ne voit pas dans la série…
SD : C’est le choix d’Alexandre, car il peut montrer des choses qu’il ne pourrait pas dans la série. Sinon cela coûterait trop cher en effets spéciaux ! Cela me permet d’avoir plus de libertés dans le cadre des choses qui existent déjà.

© Steven Dupré

Ton travail sur les personnages est impressionnant et n’est pas bâclé comme pourrait l’être les nombreux produits dérivés d’autres séries…
SD : Le fait qu’on les reconnaisse est important pour moi, il faut que les lecteurs les retrouvent au premier coup d’œil. L’autre avantage sur cette série est que c’est Alexandre qui fait le scénario, donc il veut que cela soit le plus proche possible de la série. Et puis je ne me place pas comme un auteur qui veut juste toucher de l’argent pour son travail, je veux être fier de mon travail et je n’ai pas changé ma façon de travailler. Je veux que mes BD soient soignées.

Comment collaborez-vous ? Qui fait le découpage ? As-tu droit de participer à la phase de création ?
SD : C’est Alexandre qui fait le découpage, j’interviens ensuite sur des petites choses, puis on oppose nos arguments. On parle beaucoup de détails mais je n’interviens pas sur l’histoire.

© Steven DupréLe dragon a un design étonnant, presque mécanique ? Pourquoi ?
SD : Parce qu’Alexandre m’as demandé une telle créature.

J’ai cru comprendre qu’Alexandre voulait un design très Iron Man ? Est-ce vrai ?
SD : Oui. Il m’a envoyé comme documentation des photos tiré du film Iron Man, mais également des images de Lamborgini. Et puis je les ai transformées en dragon.

Aimes-tu les comics toi aussi ?
SD : Quelques uns. Pas tous. J’ai beaucoup aimé 100 Bullets, et je vais bientôt commencer à lire Y the last man (Y le dernier homme). Je n’ai pas accroché à Fables et à DMZ, malheureusement. Disons que je les lis de temps en temps, mais je ne suis pas un grand carnivore de comics. Pourtant j’avais presque fais une série pour l’Amérique Do Androïds Dream of Electric sheep, une adaptation du roman de Philip K. Dick. Mais j’ai dû abandonner le projet parce que le timing des américains et de Casterman pour Kaamelott n’était pas compatible. C’est pas un drame… Les Européens me payent mieux que les Yankees. Haha !

Combien de tomes durera la série ?
SD : Je ne sais pas, nous avons travaillé sur le quatrième et après je ne sais pas.

Quelles sont tes influences ?
SD : Au début, je travaillais dans un style caricatural, puis j’ai évolué dans un style plus réaliste. Je sais faire les deux à présent, mais mes influences ne se voient pas directement sur mes dessins, mais plutôt sur la mise en page. Pour moi, le grand maître est Régis Loisel.

Quel personnage de BD aurais-tu rêvé de créer ?
SD : C’est difficile à dire, je ne sais pas. Thorgal peut être.

© Steven DupréPenses-tu avoir passé un cap dans ta carrière et si oui, as quel moment ?
SD : Oui bien sûr et c’est le but ! Il faut continuer à évoluer à trouver de nouvelles méthodes de travail pour que cela reste intéressant. Après à quel moment, je ne sais pas.

Quelles BD conseillerais-tu à nos lecteurs ?
SD : Magasin général sans doute. Cela me plaît énormément.

Le fait de travailler à 4 mains te plairait ?
SD : Non, ce n’est pas quelque chose pour moi. Je suis un peu trop solitaire.

As-tu d’autres projets en cours, hormis Kaamelott ?
SD : Oui, je travaille sur un projet personnel dont je ferais l’histoire et qui serait plutôt humoristique, dans un style caricatural donc ! Ce style est plutôt évident pour moi. J’ai été capable de dessiner 3 planches par jour comme ça ! Ce qui n’est pas le cas sur Kaamelott, sauf si c’est nécessaire. Par exemple, sur le tome 3 de Kaamelott, je ne me suis pas occupé de l’encrage. Le résultat final est resté crayonné, donc on a gagné du temps comme ça.

Si tu avais une gomme magique pour corriger un détail ou une partie d’une de tes BD, l’utiliserais-tu ?
SD : Oui bien sûr ! Je ne vois que des erreurs dans mes BD, je ne peux pas te dire exactement sur quelle case ou quelle BD, mais des fois quand je revois mes livres, je me dis que c’est horrible. Tant que le public ne les voit pas, ça va !

Si tu avais la possibilité de visiter le crâne d’un autre auteur pour en comprendre sa démarche artistique, qui irais-tu visiter ?
SD : Loisel évidemment ! Il n’est pas moche non plus donc c’est très bien !

Si tu n’avais pas fait de la BD, qu’aurais-tu fait ?
SD : J’aurais fait garde forestier ou quelque chose comme ça !

Quelle question te pose-t-on le plus souvent ?
SD : Est-ce qu’Alexandre Astier est gentil ?

Et ?
SD : Oui !

Merci Steven !

© Steven Dupré