Durant des années, votre fidèle serviteur a longtemps cru ne jamais rencontrer l'un de ses artistes favoris, Warren Ellis. Il est apparu aux débuts des années 90, au Royaume-Uni, et il a aussitôt fait partie d'une vague de scénaristes surdoués. Avec un ton différent, un humour acerbe et une folle envie de jouer la provoc', Ellis a multiplié les séries marquantes, du chef-d'œuvre Transmetropolitan au puissant The Authority, de l'ambitieux Planetary au mainstream Iron Man Extremis. Capable de surprendre tout en offrant un divertissement intelligent, l'anglais s'est penché ces dernières années sur un autre type d'écriture : les romans. Du surprenant Artères souterraines au polar captivant Gun Machine, en passant par l'e-nouvelle, Ellis a élargi son spectre de lecteurs avec une virtuosité rare. A tel point qu'il a même été invité au salon Quai du polar à Lyon où les références du genre se retrouvent. Lorsque la venue de l'auteur fut officialisée (chose incroyable, tant il déteste les festivals et les voyages), je fus immédiatement sur le coup. Grâce aux éditions JC-Lattès, cette opportunité s'est concrétisée. Une attente de plusieurs années, pour tomber nez à nez avec un Warren Ellis à l'exacte image de mon fantasme. Grand et imposant, peu commode de prime abord, un humour typically british et bien sûr un chouilla de provoc' dans sa façon d'être ou de répondre. Afin que vous puissiez bénéficier pleinement de cette rencontre, découvrez deux montages vidéos (un doublé et un autre en VO) ainsi qu'une transcription écrite complète de ce long entretien.
interview Comics
Warren Ellis
Réalisée en lien avec les albums Transmetropolitan T1, Astonishing X-Men, Gun Machine, Artères souterraines
Bonjour Warren Ellis, peux-tu, brièvement, te présenter ?
Warren Ellis : Mon nom est Warren Ellis, je suis écrivain.
Et pas un musicien australien ! (rires)
Warren Ellis : Pas un musicien australien.
Comment es-tu passé de l'écriture de comics à celle de romans ?
Warren Ellis : Oh, eh bien j'ai toujours fait beaucoup de choses à côté, j'ai écrit des jeux vidéo, fait du journalisme. J'ai toujours fait différentes choses en plus des comics. L'occasion d'écrire un roman s'est présentée et voilà.
Était-ce une forme de challenge pour toi ou bien est-ce que les comics devenaient ennuyeux ?
Warren Ellis : Oh non, je suis toujours à la recherche de nouveaux défis et comme je n'avais pas écrit de roman auparavant, c'était effectivement un défi pour moi et donc, je me suis lancé.
Quelle est la principale différence entre l'écriture d'un comics et celle d'un roman ?
Warren Ellis : La principale différence, hmmm... Elle est en fait technique. Quand j’écris le script d’un comic, je décris l'image de la manière la plus complète possible, pour l'illustrateur. Pour un roman, on se contente de suggérer l'image au lecteur afin que cette image prenne vie dans l'esprit de ce dernier. Plus l'image que l'on communique est spécifique, plus on court le risque qu'elle ait du mal à trouver un écho auprès du lecteur. La même différence se trouve entre une peinture détaillée et une peinture faite avec des coups de pinceaux plus généreux. Il m'a fallu apprendre à peindre avec des mouvements plus amples.
Quelles sont, selon-toi, les limites inhérentes à chacun de ces deux médias ?
Warren Ellis : Tout médium a ses propres limites, un comic n'a pas de bande originale. C'est une question difficile pour moi car je m'efforce de ne pas penser aux limites des différents médias. Chaque média dispose de ses propres effets, ses avantages ; il est difficile d'y réfléchir en termes de limitations, ce n'est pas comme ça qu'il faut concevoir une quelconque œuvre. Il faut, à la place, chercher le point fort de chaque médium.
Warren Ellis : Non. Achetez-en un exemplaire. Allez vous faire foutre ! (Rires)
Il y a dans Gun Machine une scène assez incroyable où des centaines d'armes sont découvertes dans un appartement. Comment t'est-elle venue ?
Warren Ellis : Je crois que c'est venu au cours d'une conversation que j'ai eue avec mon éditeur. Il s'appelle John Schoenfelder. Il avait toujours plein d'idées en tête et on discutait du contenu de l'histoire avant même que je n'ai commencé à l'écrire. Je ne m'en rappelle pas exactement mais je suis à peu près sûr que c'est venu au cours d'une conversation avec lui. On a tendance à oublier l'importance du rôle d'un éditeur dans l'écriture d'un roman. Ils sont votre meilleur ami et *aussi* votre pire ennemi, attention ! Mais un bon éditeur est quand même votre meilleur ami et va garder un œil sur ce que vous faites. Une fois que vous êtes profondément plongé dans l'écriture de votre roman ou en train de concevoir quelque chose, c'est un peu comme si vous vous trouviez au beau milieu d'une forêt, on ne voit plus vraiment ce qui se situe en dehors de cette forêt, on ne voit plus les détails ou les caractéristiques des arbres. L'éditeur est là pour vous indiquer où regarder, où sont ces détails. Et cette scène a donc surgi au détour d'une de ces conversations.
En France, on a découvert Mister Sun il y a quelques semaines. Ce personnage est un tueur froid et méticuleux. Quelles ont été tes sources d'inspiration pour le personnage ou pour sa façon de se débarrasser d'un corps ?
Warren Ellis : Je ne peux pas révéler tous mes secrets de fabrication. Je dirais néanmoins que le titre original était Dead Pig Collector, ce qui, en Chine, est un véritable métier. C'est de là que provient l'idée. La pollution est si terrible dans les zones agricoles, là-bas, que beaucoup de cochons meurent, par centaines de milliers. Comme ces animaux sont contaminés, il faut s'en débarrasser d'une manière particulière, et c'est là qu'intervient le dead pig collector, pour se débarrasser des cadavres de cochons. C'est de là qu'est venue l'idée.
Et pour ce qui est du corps, j'ai vu que tu passes beaucoup de temps sur Internet, tu t'en es inspiré pour...
Warren Ellis : Oh oui ! Bien sûr, c'est Internet et c'est rempli de gens discutant de la meilleure manière de se débarrasser d'un corps. Il y a ça, les photos de chats et le porno, voilà à quoi sert Internet. Mais comme je l'ai dit, l'idée est celle d'un dead pig collector appliquée aux meurtres. Mais allez sur Google et tapez « comment se débarrasser d'un corps ». Je dois figurer aujourd'hui sur toutes les listes de surveillances du FBI et de la CIA, et c'est un miracle qu'on me laisse encore entrer sur leur territoire. Mais prenez deux heures de votre temps, c'est vraiment facile de trouver des infos et des instructions détaillées sur la manière de se débarrasser d'un corps.
Y a-t-il une différence dans la conception d'un roman et celle d'un e-roman ?
Warren Ellis : L'histoire de Mister Sun relève du sensationnel, ce n'est pas quelque chose qui peut déboucher sur un roman de 80 000 mots. Certaines idées ont une durée inhérente et on sait qu'elles n'iront pas plus loin. Il faut employer l'idée au mieux de ses capacités. Je pense que quand on a fait ce métier assez longtemps, on développe un instinct pour ce genre de choses, c'est difficile à expliquer. Mais Dead Pig Collector et donc Mister Sun n'étaient pas destinés à vivre une longue aventure.
Souhaiterais-tu écrire d'autres histoires avec ce personnage ?
Warren Ellis : J'attends d'avoir l'idée d'une bonne histoire. Je ne veux pas écrire une histoire juste pour en écrire une, j'attends d'avoir une bonne histoire à écrire pour ce personnage.
Tu as écris des comics puis des romans et à chaque fois rencontré des échos très favorables de la part des lecteurs et des critiques. En es-tu fier ?
Warren Ellis : Cela veut dire qu'on me donne encore du boulot (rires). La fierté est un concept difficilement associable... C'est plutôt quelque chose du genre « Wow, on va me payer pour écrire autre chose, c'est chouette ! ».
Je sais que la musique est importante à tes yeux. Quelle place la musique a-t-elle dans ton processus créatif ?
Warren Ellis : Mettre en place une atmosphère, une humeur. Suggérer des émotions pour l'ouvrage.
Et quelle serait la bande son originale idéale pour Gun Machine ou pour Artères souterraines ?
Warren Ellis : Je crois avoir mis en ligne une playlist Spotify, que ma maison d'édition m'avait demandé de mettre au point pour Gun Machine. Il y a une playlist Gun Machine quelque part. Pour être honnête, je ne me souviens plus de ce que j'écoutais quand j'ai écrit Artères souterraines, c'était il y a un bail. Qu'est-ce que j'écoutais... Pour Mister Sun,... Je fais un podcast intitulé Spektrmodule, où je passe de la musique d'ambiance, et j'écoutais probablement ça puisque l'essentiel de mes playlists s'y trouve. Pour Gun Machine... Il y avait une chose en particulier. J'écoutais ce DJ britannique, Mary Anne Hobbs, qui faisait une émission tard le soir traitant de musiques électroniques expérimentales, et j'avais beaucoup de mal avec une scène de poursuite dans Gun Machine. C'est à ce moment-là qu'elle a joué ce long morceau de musique électro de Northern Structures qui avait été remixé par un producteur du nord de l'Angleterre. Et là, on y était ! Ca m'a donné ce qu'il me fallait pour écrire cette scène. Le rythme et la forme du morceau avait ce que je souhaitais insuffler dans cette scène alors je l'ai écouté du début à la fin à la radio, puis je suis allé trouver l'original sur le net, je l'ai acheté et téléchargé. Donc oui, le choix de la musique peut avoir des effets très particuliers, parfois.
Une question d'un fan (Svart !) : as-tu enfin décidé de commencer à jouer du violon ?
Warren Ellis : Qu'il aille se faire mettre !
Je pense qu'il va apprécier...
Warren Ellis : Un mot de plus à ce sujet, et je te collais ta caméra dans le cul, d'ailleurs.
Dans tes romans et même avant ça, dans le comic Fell, tu sembles éprouver un amour réel pour les polars. Quels sont tes auteurs et romans préférés ?
Warren Ellis : Polars ? Derek Raymond a été une de mes grandes influences en matière de fiction policière. Et maintenant j'ai un trou parce que je viens juste de me lever et que je n'ai pris que deux cafés... Derek Raymond pour les polars. Il y en a d'autres mais ça ne me vient pas, là.
Que penses-tu de la scène comics, aujourd'hui ?
Warren Ellis : Je n'en n'ai aucune connaissance. Je ne prête malheureusement aucun intérêt aux comics qui sortent. Je suis trop occupé à travailler (rires).
Transmetropolitan est un véritable chef-d’œuvre du comics et j'aurais aimé savoir quel regard tu portes sur cette série aujourd'hui ?
Warren Ellis : J'ai arrêté d'écrire sur ce titre il y a douze ans de ça et je n'y ai pas repensé depuis. Pourquoi faire ? (rires)
En janvier, j'ai interviewé Darick Robertson...
Warren Ellis : Ah oui, Darick était dans le coin...
Il nous a dit que sa collaboration avec toi a été la meilleure de sa carrière...
Warren Ellis : Non. Il a dit ça pour être gentil, mais depuis Darick a fait des trucs extraordinaires avec Garth Ennis, une superbe mini-série avec Grant Morrisson l'an dernier... Il est très gentil mais il raconte de la merde et il ne faut pas l'écouter. Je veux dire... As-tu lu The Boys, qu'il a fait avec Garth Ennis ? Quand ils l'ont laissé faire l'encrage, chose qu'il a rarement pu faire, et qu'il a pu apporter cette clarté, ces textures à son dessin. C'était le meilleur travail qu'il ait jamais fait. Il a fait un très bon boulot sur Transmetropolitan mais il avait toujours un encreur attitré et on a toujours fait pression pour que Darick puisse encrer lui-même, sans succès. Je trouve que c'est particulièrement dommage.
Warren Ellis : Oh oui, je piquais sans arrêt des trucs dans ces ajouts !
Normalement, tu n'as pas vraiment le temps de travailler comme ça, de collaborer pleinement avec les dessinateurs...
Warren Ellis : Cela dépend de la relation avec la personne et de la nature du travail. Dans les comics, je fais du travail à court terme et il faut du temps pour pouvoir faire des choses comme repérer des détails que tu avais ignorés et dans les choses que Darick a dessinées pour déconner et trouver quoi en faire... Il faut beaucoup de temps pour ça et je travaille toujours sur de brèves périodes de temps. Je m'efforce toujours de discuter avec les dessinateurs, pour peu qu'ils veuillent bien parler avec moi, ce qui n'est pas toujours le cas. Il y a donc toujours un minimum d'échanges, même si la plupart de ceux-ci ont eu lieu auparavant, avant même que nous ne nous mettions au travail.
A ton avis, qu'est-ce qui énerverait Spider Jerusalem dans les infos, aujourd'hui ?
Warren Ellis : A peu près tout.
Fell et Desolation Jones sont deux séries fabuleuses, pourquoi ne continues-tu pas à écrire ces deux titres ?
Warren Ellis : Parce qu'elles n'ont pas de dessinateur. Dans le cas de Desolation Jones, en plus, les scripts ont été perdus. L'ordinateur a planté et j'ai perdu toutes mes notes, pas moyen de continuer facilement la série. Mais on était déjà dans le pétrin car on avait perdu notre deuxième illustrateur, donc pas de dessinateur. Et pas d'édition non plus car la maison d'édition a été éradiquée par DC Comics (NDR : il s'agit de Wildstorm). Pour Fell, Ben Templesmith a le script du prochain numéro depuis, je crois, deux ou trois ans. Mais il est trop occupé. Je ne peux pas faire ces séries sans dessinateur et je n'en ai pas.
C'est dommage car Fell a très bien marché...
Warren Ellis : Mais Ben est occupé. On en parle tout le temps mais il est trop occupé pour le faire et, dans le cas de Desolation Jones, les scripts sont perdus, la maison d'édition est partie, les dessinateurs sont partis. Fin du livre.
Avec Black Summer, No Hero et SuperGod, tu as pu revisiter la thématique du super héros, sans aucune limite. Le genre t'inspire-t-il encore suffisamment pour que tu t'y intéresses en tant qu'auteur ou en tant que lecteur ?
Warren Ellis : En vérité, on en a discuté avec la maison d'édition. Ils voulaient des comics de super héros donc j'ai fait ces trois séries, à titre expérimental. Je ne sais pas si elles ont marché. Mais sinon j'aime bien aller voir les gens de chez Marvel tous les deux ou trois ans parce que j'aime bien ces gens-là et aussi parce que ça maintient les relations professionnelles. Alors comme ça, tous les deux ou trois ans, je fais quelque chose ayant vaguement trait aux super héros. En ce moment, je fais Moon Knight, pour eux. Pour l'instant, je n'ai rien d'autre de grandiloquent à raconter sur les super héros. Un jour, peut-être, mais pas aujourd'hui.
D'après une citation de toi qu'on trouve en quatrième de couverture de SuperGod, tu as dit : « Black Summer parlait de super héros qui étaient trop humains, SuperGod de super héros ayant perdu leur humanité et No Hero de super héros abandonnant leur humanité ». Avais-tu conçu dès le départ ces trois séries comme répondant à cette description ?
Warren Ellis : Oui ! (Silence) Désolé, mais oui (rires). J'avais en tête ces trois approches de l'univers des super héros dès le départ, donc oui.
Y a-t-il un autre angle que tu souhaiterais encore aborder ?
Warren Ellis : Non, je n'avais que ces trois-là (rires). Je crois que c'était suffisant, mais si j'en trouve un autre, je te préviendrai. Mais non, seuls ces trois points de vue m'intéressaient.
Peux-tu nous parler un peu plus de ton travail sur Moon Knight ? Resteras-tu longtemps sur cette série ?
Warren Ellis : Hmm, probablement pas. C'est ce qu'on appelle du boulot à la pige ou du mercenariat. Cela n'a donc pas de sens pour moi de passer trop de temps là-dessus. Je ne suis pas le genre de personne à faire un run de 5 ans auprès d'une compagnie ou sur une série parce que cette série leur appartient, or je fais des comics pour y mettre mes propres idées. C'est marrant à faire et j'aime bien, et c'est très gratifiant de se consacrer brièvement à ça et de la faire pour Marvel, mais ce n'est pas le but de ma carrière.
Quelles sont les spécificités de ta version de Moon Knight ?
Warren Ellis : Là encore, je te dirais d'aller lire le livre, ça fait un mois, un mois et demi que c'est sorti. Il m'a semblé important de revenir à l'essence du personnage, à ce qui le rendait intéressant dès le départ. Les gens décrivent souvent Moon Knight comme un schizophrène ou souffrant de désordre dissociatif de la personnalité ou DDP, ce qu'on appelait trouble de la personnalité multiple. Si tu t'y connais un minimum dans ce domaine, alors tu sais que Moon Knight ne peut pas en souffrir : on n'acquiert pas un DDP en faisant simplement semblant d'être quelqu'un d'autre, ce n'est pas contagieux. J'ai donc voulu régler ce problème. J'ai connu des gens souffrant de DDP et j'en connais qui ont trouvé ce trait plutôt bancale chez Moon Knight. J'ai donc voulu arranger ça.
Moon Knight, c'était ton choix ou celui de Marvel ?
Warren Ellis : C'était le mien. Le truc c'est que tous les ans ou tous les deux ans, Marvel vient me voir avec une liste de titres qu'ils souhaitent relancer ou avec lesquels expérimenter. Alors je choisis un truc dont j'aime bien la tête dans la liste. En définitive, mon job à Marvel est de m'y rendre tous les deux ans et soit de les aider avec une série, soit réactiver un de leurs vieux titres.
Dans beaucoup de tes récits, comme Ocean par exemple, tu injectes beaucoup d'éléments venant de la « hard SF ». Lis-tu beaucoup de romans du genre, et si oui as-tu des références dans le domaine ?
Warren Ellis : Je lisais beaucoup de SF quand j'étais gosse, mais je n'ai pas eu l'occasion de lire de choses plus... En fait je ne lis quasiment plus de fiction tout court dans le sens où je trouve difficile de lire de la fiction tout en en écrivant. J'ai donc plutôt tendance à lire des choses « non-fictives ». Je crois qu'on en est au point où il va me falloir plus de café avant que je n'éponge ma mémoire pour en obtenir plus.
Dans Planetary comme dans The authority, tu joues souvent avec les dimensions. D'où t'es venu l'idée du multivers, plus particulièrement dans cette version assez spécifique du flocon ?
Warren Ellis : Le multivers est un concept existant depuis des décennies. Je suis probablement tombé dessus à travers l'œuvre de Michael Moorcock, publiée dans les années 60. Mais c'est une vieille idée. L'approche spécifique, celle du flocon de neige... Je lis beaucoup d'infos scientifiques et quelqu'un venait de gagner un prix important, probablement le Nobel, pour avoir travaillé sur la définition potentielle de la forme du multivers, et il avait trouvé que telle en serait la forme.
Comment décrirais-tu ton propre style d'écriture ?
Warren Ellis : Sérieux ? Tu demandes ça aux gens ? Mais c'est une question pourrie ! Tu es un être horrible ! Je devrais prendre mon chapeau et te tabasser avec rien que pour ça ! Ce n'est pas à moi de répondre à cette question. Si je devais m'asseoir là et réfléchir à la description de mon propre style pendant que j'écris, je n'arriverais à rien ! Je m'interrogerais sans cesse et je n'arriverais pas à écrire quoi que ce soit, et ma famille mourrait de faim et ce serait de ta faute ! Ta faute ! La tienne, pas la sienne (NDR : en montrant Nicolas), juste la tienne !
Désolé (rires). Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre artiste pour en comprendre le génie, chez qui irais-tu ?
Warren Ellis : Ça, c'est flippant ! Je veux dire, tu as rencontré d'autres auteurs : souhaiterais-tu réellement visiter leurs cerveaux ? Il y a des auteurs dont je ne voudrais même pas visiter la maison (rires).
Il n'y a donc pas d'auteur dont tu souhaiterais connaitre les secrets ?
Warren Ellis : Je pense qu'il vaut mieux étudier leur œuvre et en tirer ce que tu peux. Il arrive que tu trouves que le travail d’un auteur est absolument fascinant, et tu réalises que ce qu'il y a de plus vivant en eux est dans leur œuvre, ou bien quand tu les rencontres, tu découvres que ces auteurs sont les personnes les plus ennuyeuses ayant jamais existées. La meilleure part d'eux-mêmes est distillée dans leur œuvre. Et d'un autre côté, les gens les plus ennuyeux d'aspect écrivent les trucs les plus abominables. Kevin O'Neill qui dessine La ligue des gentlemen extraordinaires, tu n'arrives pas à croire qu'autant de folie pure réside dans un homme aussi petit et aussi plaisant d'aspect (rires). Il ne colle pas du tout à son œuvre ! Non, non. Je pense qu'il ne vaut mieux pas aller là.
Un dernier mot ?
Warren Ellis : Merci pour votre temps, désolé de ne pas avoir été plus intéressant.
Merci Warren Ellis !
Remerciements à Brigitte Béranger, Anne Blondat et Jézabel Akriche des éditions du Masque - JC-Lattès, à Alain Delaplace (pour la traduction en mode « Speedy Gonzales »), à Fabrice « Svart » Gagos (pour ses questions musicales) et à Nicolas Demay (pour ses questions complémentaires, son sens de l'orientation et la relecture).
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