L'histoire :
Dans une maternité japonaise, une femme connaît un accouchement délicat, avec le cordon ombilical enroulé autour du cou du nouveau né. Après avoir recouvré sa respiration, devant les médecins abasourdis le bébé se met à flotter dans l’air, comme affranchi de toute pesanteur terrestre. Icare est né. Le bébé est placé sous secret défense durant de longues années, dans un centre de recherches en sciences naturelles. 20 ans plus tard, l’équipe du professeur Endo analyse toujours Icare, sans avoir jamais réussi à comprendre l’origine exacte de sa faculté de lévitation. Ni le vent, ni l’adjonction de masses ne semblent pouvoir l’altérer : l’air glisse sur lui. Totalement coupé du monde extérieur, Icare habite dans une serre géante, où il peut s’adonner à sa guise à ses étonnants vols planés. Les seuls contacts sont ces scientifiques qui multiplient les tests, et une jeune infirmière à peine plus âgée que lui, Yukiko. Mais avec la croissance, Icare est aux prises à des sentiments qui décuplent ses facultés et son envie de découvrir le monde extérieur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fruit de la collaboration entre deux grands auteurs, Jean Giraud alias Meobius pour le scénario et Jirô Taniguchi pour le dessin, cette réédition (l’album était déjà paru en 2005) n’amène malheureusement que très peu de nouveautés. En plus d’une couverture cartonnée et disposant d’une nouvelle illustration, la seule différence vient de quelques croquis ajoutés en fin de volume. Dès lors, et malgré les grands noms qui ont créé cette œuvre, on se demande s’il était vraiment utile de ressortir ainsi cet album qui n’est, de très loin, pas le meilleur travail que ces deux auteurs prolifiques ont réalisé, sans compter que ce dernier ne dispose même pas d’une vraie fin. Car, comme Moebius l’explique dans l’interview en fin de volume, la publication d’Icare au Japon en série n’a pas plu au public et l’histoire a donc du s’arrêter sans qu’il n’ait pu la mener à terme. Et puis, la version parue ayant été épurée et remaniée par l’éditorial japonais, on ne saura jamais vraiment ce que cette œuvre avait dans le ventre au final. Aux dires même de Moebius, le scénario originel était bien différent. Au-delà de cela, l’histoire a beau être intéressante, voire originale, en certains points, il n’en reste pas moins que la narration est trop abrupte et présente quelques scènes inutiles, que quelques dialogues manquent carrément de sens, que le personnage principal est fade, et qu’il y a même quelques cases dont la signification nous échappe. Mais ce dernier problème vient-il du scénariste ou du dessinateur ? Si d’un point de vue graphique Jirô Taniguchi fournit parfois de très belles planches - surtout lors des illustrations en pleine page - et que son style allié à une histoire fantastique n’est pas sans rappeler les œuvres de Katsuhiro Otomo (Dômu et Akira en tête de liste, surtout dans les passages concernant le complexe scientifique pour les expérimentations), le constat n’est là encore pas tout rose, entre des expressions faciales parfois ratées et des personnages qui rient de manière tout à fait improbable : sans le texte joint à l’image, il aurait été impossible de savoir de quoi il retourne ! On sent que le dessinateur n’est pas à l’aise dans cette histoire, lui qui est plutôt spécialisé dans les personnages stoïques... Les décors par contre sont remarquables, ainsi que le soin apporté aux détails. En résumé, nous avons là un scénario qui se développe de manière trop rapide et abrupte, peu développé sur des éléments cruciaux et qui à côté de cela étale une scène d’action sur la moitié des chapitres – un scénario raté donc, n’ayons pas peur des mots-, une mise en scène souvent à côté de la plaque, des graphismes parfois très beaux côté décors mais pas toujours justes côté personnages... Finalement, la précédente version ayant peu à peu disparu des rayons avec le temps, cette réédition aura surtout le mérite de remettre ce titre en vente sur le marché. Mais était-ce vraiment utile ?