L'histoire :
Dans une maternité japonaise, une femme connaît un accouchement délicat, avec le cordon ombilical enroulé autour du cou du nouveau né. Après avoir recouvré sa respiration, devant les médecins abasourdis le bébé se met à flotter dans l’air, comme affranchi de toute pesanteur terrestre. Icare est né. Le bébé est placé sous secret défense durant de longues années, dans un centre de recherches en sciences naturelles. 20 ans plus tard, l’équipe du professeur Endo analyse toujours Icare, sans avoir jamais réussi à comprendre l’origine exacte de sa faculté de lévitation. Ni le vent, ni l’adjonction de masses ne semblent pouvoir l’altérer : l’air glisse sur lui. Totalement coupé du monde extérieur, Icare habite dans une serre géante, où il peut s’adonner à sa guise à ses étonnants vols planés. Les seuls contacts sont ces scientifiques qui multiplient les tests, et une jeune infirmière à peine plus âgée que lui, Yukiko. Mais avec la croissance, Icare est aux prises à des sentiments qui décuplent ses facultés et son envie de découvrir le monde extérieur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quand un maître incontestable de la BD franco-belge se met à travailler avec un maître mangaka japonais, cela attire forcément l’attention… Pourtant, ce manga one-shot édité dans sa forme d’édition originelle (lecture de droite à gauche) laisse un drôle de goût d’inachevé et manque un peu de consistance. D’une idée de départ alléchante (trouvée au hasard d’un rêve), Mœbius (alias Jean Giraud de Blueberry) avait pourtant bâti un thriller fantastique béton. Largement épaulé par Jean Annestay, son scénario prévoyait de couvrir de nombreux épisodes tout en étant parfaitement adapté au genre manga. Il faut lire l’interview accordée en fin d’album par Mœbius pour découvrir cette intention et regretter que les impératifs du marché de l’édition japonaise aient bridé à ce point l’œuvre originelle. On retrouve toutefois l’ambiance d’Akira, avec ce héros aux pouvoirs prodigieux (une sorte de Superman angélique japonais), que ne parvient pas à contrôler un gouvernement prétentieux. On aurait vraiment aimé en savoir plus sur la jeunesse d’Icare, sur cette société mutante au bord de la révolution, sur la vie du héros une fois sorti de sa serre, sur cette sexualité troublée qu’il découvre en même temps que la liberté… d’autant plus que tout cela existe dans les notes de Mœbius/Annestay ! A la place, le finish aujourd’hui réédité par Kana, est épuré de dialogues et finalement aussi un peu épuré de sens, aussi bien par manque d’audience que pour mieux épouser les sacro-sainte contraintes éditoriales nipponnes. Certes, cela permet de contempler le superbe dessin en noir et blanc de Jirô Taniguchi (l’auteur de Quartier lointain !), fidèle à sa pureté de trait réaliste.
